Intercommunalité : tout repose sur la force du projet politique !

Interview Pascal FortoulOù en est l'interco ? A l'aube d'un nouveau projet de loi qui impactera les EPCI, Pascal Fortoul, président de l'association des DG d'interco insiste sur la nécessité d'avoir le courage de mettre en place un urbanisme intercommunal. D'autant que la gouvernance, évolution majeure de ces dernières années, va devoir résister à la raréfaction des ressources.

Source : La Lettre du Cadre Territorial du 1er novembre 2009


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Les intercos doivent-elles craindre le projet de réforme des collectivités ?

Non. Ce qu'elles doivent craindre, c'est surtout le projet de loi de ­finan­ces. L'intercommunalité est à un tournant : il y a un mouvement d'approfondissement de l'intercommunalité, marqué par ce projet de réforme. Ce projet va donc dans le bon sens, même s'il est bien en deçà de ce qu'il pourrait être. La généralisation de l'intercommunalité est ainsi prévue, et c'est une bonne chose. La constitution de périmètres plus cohérents est également devenue une nécessité : pour de nombreux collègues de l'association des DG de communautés qui travaillent sur des territoires trop restreints, c'est une question essentielle. Toute une série de dispositions techniques qui permettent de renforcer le fonctionnement de l'intercommunalité étaient également nécessaires.

Le projet de loi évoque plusieurs dispositions importantes comme la création des métropoles. Nous sommes heureusement revenus à un seuil de 450 000 habitants, et non 200 000 comme cela avait été imaginé. Il aurait été ridicule de nous retrouver avec trente métropoles.

Enfin, il y a l'élément important de la création des communes nouvelles. L'interco a tout intérêt à avoir des ­interlocuteurs significatifs au travers des communes. Le débat sur la fusion des communes est relancé et nous voyons bien sur les territoires que de nombreux éléments conduiraient des communes à fusionner. Or le texte va loin puisque la commune nouvelle devient un processus irréversible. C'est d'autant plus intéressant que j'ai cru comprendre que le processus de fusion ne se substituait pas à une quelconque intercommunalité.


Quelle est la notion la plus pertinente en matière d'interco : le bassin de vie, un territoire de projet ? Faut-il passer à des territoires intercommunaux « à la carte » en fonction des réalités locales ?

La question des périmètres est ­insoluble. Certaines intercommunalités ne recouvrent absolument pas des bassins de vie. Elles doivent à l'évidence se poser la question de leur périmètre. Pour autant, on n'arrivera jamais à trouver une interco dont le périmètre soit cohérence avec l'ensemble des fonctions transports, aménagement, éducatives, sportives, sociales, culturelles... de son territoire. Toutes ces fonctions ont des périmètres différents entre lesquels il faut trouver un compromis.

Mais à partir de ce périmètre, c'est bien la force du projet qui fait la solidité de l'intercommunalité. On peut disposer de tous les périmètres pertinents, s'il n'y a aucune volonté des élus d'élaborer une vision territoriale, l'interco ne fonctionnera pas. Elle fonctionne parce que des élus partagent une vision du territoire, au-delà du fonctionnement de services qui sont par nature intercommunaux.


Faut-il pousser à la fusion des plus petites intercos ?

Dans certains cas, oui. Dans certains ­départements, la construction de l'interco s'est calée sur les cantons : à chaque canton sa communauté de communes. C'est absurde : quand on connaît le caractère inopérant des cantons au regard des bassins de vie, ça n'a aucun sens. Certaines intercos ­devront donc se recomposer et fusionner, c'est une évidence.


Y a-t-il une taille critique pour une interco ?

Oui, mais cela dépend des circonstances et de la géographie. Quelle est la taille critique d'une interco sur le plateau de Millevaches ? Prend-on le nombre d'habitants ? Si elle fait sens mais qu'elle n'a que deux mille habitants, quel est le problème ? On avait évoqué un seuil minimum de cinq mille habitants, mais je ne pense pas que ce soit le dossier fondamental dans le mouvement de l'intercommunalité.


Comment la gouvernance des intercos est-elle en train d'évoluer ?

Un élément majeur est apparu dans l'interco ces dernières années, lié au fait que nombre d'intercommunalités sont devenues adultes. Elles ne raisonnent désormais plus en gain de compétences, de personnels, de montants budgétaires. Elles raisonnent avec les communes, au sein d'un territoire, pour savoir qui est à même de pouvoir le mieux répondre à tel ou tel enjeu. Se crée du coup une véritable gouvernance : ceux qui s'y sont essayés, même si ce n'est pas facile parce qu'il y a toujours des enjeux de pouvoir, mesurent la différence avec la relation aux échelons supérieurs que sont le ­département et la région, qui fonctionnent davantage sur un mode de gouvernement que de gouvernance. Cette ­capacité à mettre les acteurs autour de la table est le fait marquant de l'évolution du couple communes et interco.


La raréfaction des ressources ne complique-t-elle pas les choses ?

Cette collaboration est plus que jamais nécessaire car toutes les politiques doivent concourir au même but. Or ce but commun ne peut être défini que par un commun accord, c'est le fondement même de l'intercommunalité. Mais on peut craindre que cette nouvelle forme de gouvernance ne soit pas suffisamment enracinée et que la raréfaction des ressources et le projet de loi de finances 2010 soient des éléments de ­repli des communes sur elles-mêmes, mettant en danger le mouvement intercommunal. C'est aujourd'hui notre plus grosse crainte : l'interco reste jeune et toutes les bonnes habitudes ne se sont pas encore enracinées.


Va-t-on inexorablement vers la fiscalité mixte ?

Elle est inscrite dans le projet de loi de ­finances. Demain, communes et intercos auront des ressources qui viendront des impôts ménages. Il faudra donc bien trouver une articulation entre nous, ­sinon les habitants nous renverrons à nos chères études.


La compétence communautaire sur l'urbanisme est-elle une réponse aux difficultés de la péri-urbanisation ? Pourra-t-on y arriver ?

Je le croyais, j'y crois moins. C'est le ­sujet type qui nécessite du courage ­politique. La question de la compétence urbanisme, à ne pas confondre avec la capacité pour les maires de ­signer les permis de construire, figurait dans l'avant-projet de loi, en cohérence avec le Grenelle de l'environnement. C'est une nécessité car c'est l'outil de la mise en œuvre d'un projet de territoire entre interco et communes. Dans le projet qui nous est proposé aujour­d'hui, il n'y a plus un mot sur la compétence urbanisme ! C'est surréaliste ! On compte sur le débat parlementaire pour qu'on ­revien­ne à la raison. Je sais que les maires sont réticents, la loi est donc la seule façon de faire avancer les choses.


Finalement, quel est le grand défi de l'intercommunalité ?

La capacité à savoir travailler ensemble, c'est-à-dire d'engager une véritable gouvernance territoriale avec l'ensemble des échelons. Aujourd'hui, on ne sait pas faire cela, donc on se pose des questions de rationalisation, de grandes communautés, de partage des compétences... alors qu'à mon sens, les problèmes ne sont pas là. Un exemple : la région est en charge de TER, mais si on veut qu'ils soient utilisés, il faut construire des gares, des pôles d'échanges multimodaux. Or qui va les prendre en charge ? Personne ne peut s'en désintéresser. Les compétences sont forcément croisées, les politiques complexes. Tout l'enjeu des politiques publiques, c'est la capacité à réunir les acteurs dans une même perspective. On a appris à faire ce travail ­entre intercommunalités et communes, mais cela fonctionne nettement moins bien avec les ­départements et les régions.


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