Source : lagazettedescommunes.com


« On s'est fait un peu secouer, non ? », s'interroge Pascal Fortoul, après l'atelier de clôture des 10e universités d'été de l'association des directeurs généraux des communautés de France (ADGCF) qui se sont tenues au Grand-Bornand (Haute-Savoie) 6 et 7 juillet. Le Président de l'association, un brin amusé, considère que l'étude présentée par Michael Storper, professeur de géographie économique, est un peu déstabilisante. Le modèle français de métropolisation ne ferait que perpétuer le travers administratif et économique français, bloqué sur le modèle « Paris et le désert français » ….

Le système français  des territoires resterait bloqué dans une logique binaire et inégalitaire, selon Michael Storper (1).
D'un côté, les grandes entreprises françaises et les multinationales se concentrent dans la région parisienne, qui bénéficie des dynamiques de management et d'innovation. De l'autre côté, les métropoles provinciales restent, malgré tout, « le lieu de l'administratif et d'une  productivité routinière ». Une conception binaire « à la française », un atavisme administratif, renforcé par la croissance du réseau TGV, qui reste centré sur Paris. Décidément, cet atelier intitulé « Face aux fractures territoriales, l'avènement de métropoles responsables ? » ne laissait pas présager un tableau aussi décalé, voire sombre, de la métropolisation à la française…

Des espaces attirants
Selon le chercheur, les économies nationales sont de plus en plus des réseaux d'économies métropolitaines. Mais en France, en dehors de la métropole parisienne aux performances exceptionnelles,  les autres territoires métropolitains se remarquent par leur faiblesse, en termes d'innovation et de salaires. Michael Storper force le trait : les métropoles françaises prennent la forme d'espaces attirants, en raison de leur cadre de vie et de leur accessibilité. Elles créent certes des emplois, mais à faible valeur ajoutée et générant de faibles revenus. Il s'agirait d'une véritable spécificité française, alors que dans le monde, des métropoles comme Austin, Seattle (Etats-Unis), Stuttgart (Allemagne), ou encore Cambridge (Grande-Bretagne) sont des puits d'innovation, au-delà même du seul dynamisme démographique.

« Middle income trap »
Une vision d'autant plus sévère que le chercheur est convaincu que la plupart des métropoles françaises sont tombées dans un piège économique, «  le « middle income trap » : le piège des territoires à revenu moyen, qui les empêche d'évoluer vers une stature métropolitaine à échelle mondiale.
«  La France est le pays qui accueille une mégamétropole hyperproductive, mais aussi beaucoup de métropoles  moyennes, en termes de revenus des habitants et de productivité. Un schisme qui ne cesse de s'aggraver car depuis le début du siècle, cette écart continue se creuser. »
Paris et le désert français, encore et  toujours ?


Né à New York, professeur de géographie économique, Michael Storper est un spécialiste des questions de développement des villes. Il enseigne à Los Angeles (Ucla), à Londres (London School of Economics) et à Sciences-Po Paris.

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[17/07/2017]