« Villes moyennes » : mais de quoi parle-t-on ?

Accueillant le 14 décembre dernier la deuxième Conférence Nationale des Territoires, Cahors est devenue, pour quelques heures, le centre névralgique de l'action publique locale. Que retenir, in fine, de ce nouveau round de concertation entre l'Etat et les collectivités ? Sur la forme, sans aucun doute, la volonté du Gouvernement de retisser le lien avec les élus territoriaux. Le Premier ministre est ainsi méthodiquement revenu dans son discours de clôture sur le dispositif contractuel unissant désormais le national au local et valorisant les pratiques vertueuses en matière de gestion administrative plutôt que les coups de rabot intempestifs.

Sur le fond, au-delà des modulations consenties aux objectifs de maîtrise de la dépense de fonctionnement en fonction de la « situation » de la collectivité concernée, l'annonce du lancement du « plan d'aménagement numérique » et du « plan action cœur de ville » apparaît comme une première réponse gouvernementale à la problématique de la « fracture territoriale ». Si le premier plan, contraignant pour les opérateurs, devrait constituer un puissant outil de désenclavement et donc de développement pour les territoires peu denses, on peut s'interroger sur les ressorts du second, mobilisant cinq milliards d'euros sur cinq ans, porté par Jacques Mézard, ministre de la Cohésion des territoires, et destiné à revitaliser les « villes moyennes » autour des questions d'ingénierie, de logement, de commerce et de services. Objectif affiché : les réintégrer dans une dynamique d'attractivité et de croissance. Mais de quoi parle-t-on ?

Les villes moyennes, préfectures ou sous-préfectures, centralisant des fonctions administratives, commerciales et entrepreneuriales, ont longtemps structuré notre pays et ont, de ce fait, déjà bénéficié de politiques d'aménagement spécifiques. Bien sûr, certaines d'entre elles sont aujourd'hui lourdement affectées par l'essor des mobilités et par la montée en puissance des grandes agglomérations qui captent et concentrent emplois, habitants et services publics. Souvent situés dans le grand quart Nord-Est de la France, ces territoires désindustrialisés vivent difficilement leur reconversion économique. Pour autant, d'autres villes moyennes semblent tirer leur épingle du jeu ; s'insérant dans un système d'interdépendances métropolitaines en croissance ou s'inscrivant dans une logique de spécification –économique ou culturelle–, elles connaissent un essor que certaines grandes agglomérations leur envient. Dès lors, plutôt que de mettre une nouvelle fois la focale sur une catégorie sui generis, la « ville moyenne » qui recouvre désormais des réalités et des fonctions territoriales multiples et de privilégier une approche égalitariste et sectorisée de l'aménagement du territoire, le Gouvernement ne gagnerait-il pas à soutenir pleinement une appréhension à la fois différenciée et cohésive, reposant sur des stratégies faisant la part belle aux alliances interterritoriales ? Certes, dans ce cadre, l'élaboration et le déploiement de politiques publiques apparaissent plus complexes ; mais les éléments d'analyse et de compréhension de ces processus, construits par des universitaires comme Daniel Béhar, Philippe Estèbe ou Nadine Cattan existent ; sans compter que les directeurs généraux d'intercommunalité expérimentent au quotidien ces agencements coopératifs.

C'est bien cette vision, non catégorielle mais fondée sur des transactions permanentes entre villes définissant la place de chacun dans le système urbain que défendra l'ADGCF auprès des cabinets ministériels, au premier rang desquels celui de Jacqueline Gourault que l'association rencontrera en janvier.

Dans la perspective stimulante de ces rendez-vous et de nos débats à venir sur l'organisation de l'administration locale et de sa performance, je vous souhaite à toutes et à tous, cher(e)s collègues, une belle année 2018.

Pascal FORTOUL
Président de l'ADGCF