Quel leadership régional ?
Où en sont les Régions ? La promulgation il y a maintenant trois ans de deux lois – la première faisant passer de vingt-deux à treize le nombre de régions métropolitaines, la seconde les dotant de compétences consolidées dans les champs du développement économique et de l'aménagement – visait à affirmer pleinement le pouvoir régional.
Au cours du premier semestre 2018, les délégations régionales de l'ADGCF ont organisé près d'une vingtaine de rencontres. En sus de la diversité des thématiques abordées, toutes, sans exception, ont été l'occasion de dresser un état des lieux des collaborations entre les Conseils régionaux d'un côté et les communautés et métropoles de l'autre. Et, à écouter une majorité de nos collègues, le constat n'est, pour l'heure, guère rassurant : si le législateur leur a confié de nouvelles responsabilités, force est de constater que les Régions peinent pour le moment à véritablement les exercer. Bien sûr, on objectera ici que la plupart des régions, récemment fusionnées, sont toujours engluées dans la réorganisation de leurs services et dans la redéfinition de la géographie de leurs locaux. Mais au-delà de cet état de fait, forcément circonscrit dans le temps, c'est surtout leur difficulté à assumer un quelconque « leadership territorial » qui transparaît, alors même que la loi NOTRe leur assigne la mission express « d'œuvrer pour un développement équilibré des territoires »…
Plus précisément, que nous ont relaté la plupart directeurs généraux d'intercommunalité –en dehors des Bretons et des Occitans plus positifs– en la matière ? Pêle-mêle, des CTAP, censées organiser le dialogue et les coopérations infrarégionales, qui s'apparent davantage à des « grands messes » au sein desquelles la parole est monopolisée par les représentants des Conseils départementaux ; des liens de plus en plus distendus avec les communautés avec le sentiment d'être parfois « pilotées à distance » par des échafaudages normatifs passant au tamis les réponses intercommunales aux appels à projets ; deux schémas « prescriptifs », le SRDEII et le SRADDET, a priori fruit d'une co-construction entre les Régions et leurs territoires, mais dont l'élaboration est régulièrement décrite comme unilatérale et dont le contenu, extrêmement technique, est dépourvu de toute dimension « contraignante » alors même que ces dispositifs ont été pensés pour constituer le bras armé des Conseils régionaux et ce, afin de consolider leur position sur la scène territoriale.
Manifestement les exécutifs des régions peinent –ou hésitent encore– à s'engager dans un processus d'affirmation de l'institution qu'ils incarnent. Comment expliquer cette pusillanimité ? Sans doute que, si la Région s'est récemment vue doter de nouveaux pouvoirs, elle ne possède pas la puissance susceptible de les déployer pleinement. Au regard en effet de la modestie de leurs ressources budgétaires, mais aussi et peut être surtout des modalités d'élection de leurs représentants –proportionnelle sur des listes départementales– les régions restent politiquement corsetées. En bref, si elle a, en apparence en tout cas, été confortée par le dernière acte de réforme territoriale, la légitimité du pouvoir régional n'est jamais apparue aussi fragile.
Comment, dans ce contexte, faire des communautés les espaces de territorialisation des politiques régionales alors que l'administration qui les élabore peine encore à s'imposer dans le concert territorial ? Dit autrement : le travail de nos délégués régionaux visant à tisser quotidiennement des liens avec leurs homologues du Conseil régional n'est jamais apparu aussi nécessaire.