Edition du 28/07/2020 - Numéro 61
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Pascal Fortoul

« Vers un procès en légitimité ? »

Les urnes du « bloc local » ont donc fini par parler. A l'issue d'un entre-deux tours « interminable », décrit comme le plus long de l'histoire de la vie politique française, après une campagne rendue globalement atone par le contexte pandémique, la totalité des conseillers municipaux, communautaires et métropolitains a été installée. Ouf serait-on tenté de dire. Et pourtant, si nous avons fait face au cours de ces derniers mois à une catastrophe sanitaire, que dire de la catastrophe démocratique dans laquelle nous nous trouvons désormais et dont l'intercommunalité apparaît comme la victime expiatoire toute désignée. Expliquons-nous.

 

Les raisons du désamour citoyen

Le Président de la République s'en est d'emblée inquiété, les médias l'ont abondamment commenté : l'abstention record –45 % de votants au premier tour, moins de 40 % au second– décrédibilise la portée politique et surtout civique du scrutin municipal de 2020. Sérieusement, comment feront ces maires désignés par une portion réduite de la population lorsqu'il s'agira de défendre leurs « choix » sociaux, environnementaux et économiques vis-à-vis de leur opposition mais aussi de collectifs de citoyens potentiellement « frondeurs » dans une période qui s'annonce particulièrement tendue ? Alors oui, la peur du virus a sans doute dissuadé bon nombre de nos compatriotes de se rendre dans l'isoloir. Mais on ne peut passer sous silence la baisse tendancielle de la participation aux élections locales et l'effritement quasi continu de la côte de confiance dont jouissent les maires, pourtant unanimement désignés par les médias comme les « élus préférés des Français ». La raison de ce désamour citoyen est d'ailleurs toute trouvée pour certains « journalistes experts » qui se lamentent de la « technicisation de l'action territoriale » et des « transferts de pouvoirs au profit de superstructures de plus en plus éloignées » des habitants. Au-delà de cette doxa territoriale qui attribue bien sûr à la dynamique intercommunale tous les maux de notre démocratie locale, on voudrait suggérer une autre hypothèse : pour restaurer le lien de confiance entre gouvernés et gouvernants, ne faudrait-il pas sortir de la « démocratie du sommeil », c'est-à-dire ré-articuler enfin le territoire de vie et le territoire électif et redonner du sens à l'intérêt général en sortant d'une gestion publique plus que jamais entravée par la défense des intérêts corporatistes ?

 

 

Des élections intercommunales dignes d'House of cards

 

Certes, reconnaissons-le, le déroulé des élections dans bon nombre d'arènes intercommunales n'a pas contribué à valoriser « démocratiquement » les institutions communautaires et métropolitaines, bien au contraire. Au cours de la campagne, à quelques exceptions notables comme à Rennes par exemple, la majeure partie des candidats aux fonctions mayorales a continué, comme en 2014, à promouvoir la souveraineté communale et à municipaliser les prérogatives des intercommunalités. « Business as usual » en quelque sorte. En écho à cette « omerta », les médias ont peu décrypté et explicité les enjeux électifs en amont des échéances, même si on peut noter un réel « effort pédagogique » du côté de la presse régionale. C'est donc essentiellement à l'issue du scrutin municipal qu'un coup de projecteur a été donné sur l'autre élection du bloc local. Dépeints souvent comme « âpres », d'autres fois comme « rocambolesques », certains affrontements, digne de House of cards n'ont pas manqué de sel et ont, à ce titre, fait le miel des médias. Parmi les plus « emblématiques », les élections pour les présidences des métropoles de Paris, de Marseille ou de Grenoble sont apparues comme un concentré des dérives du mode de scrutin intercommunal : tractations tous azimuts, interruptions de séance, dénonciation par les « perdants » du règne des « petits arrangements »… Osons le (re)dire : le fléchage n'a en rien contribué à l'affirmation démocratique des communautés et métropoles, à la légitimité mais aussi à la responsabilité de leurs élus. Quant à l'extension des périmètres intercommunaux menée tambours battants ces dernières années, elle a mécaniquement dilué le poids des villes centres et a ainsi eu pour effet de porter à la tête de bon nombre d'agglomérations des maires de petites communes dont la « représentativité » est forcément discutable. En d'autres termes, il est urgent de repenser la dimension citoyenne de l'intercommunalité et ce, d'autant plus que, comme on a pu le voir localement durant la campagne, la société civile a, elle, largement intégré et investi le fait communautaire, au risque de creuser le fossé avec une représentation politique locale arc-boutée autour du fait communal.

 

Vague verte et municipalisme

 

Car elle est bien là la principale menace qui pèse sur nos intercommunalités : la montée en puissance d'un « municipalisme ambiant », qui voudrait ramener nos communautés et métropoles au rang de SIVOM. Sinon comment interpréter par exemple les paroles du nouveau président de la plus grande communauté urbaine de France appelant l'institution et ses agents qu'il est en passe de diriger à « s'effacer derrière les communes » ? Beau programme pour la mandature… Rappelons-le : pour l'ADGCF, la plupart des communes ne doivent aujourd'hui leur salut qu'à l'intercommunalité et à l'adossement à toute la chaîne des pouvoirs publics. Dit autrement, afin de produire les résultats que nos concitoyens réclament, tâchons de penser et d'incarner collectivement la notion de « bloc local ». En ce sens, la vague verte qui a submergé plusieurs de nos grandes villes parmi lesquelles Annecy, Besançon, Bordeaux, Lyon, Poitiers, Strasbourg ou encore Tours interpelle également le mouvement intercommunal. Elle montre bien sûr que la question écologique n'est plus un épiphénomène pour nos concitoyens mais bien un enjeu politique crucial. Mais elle porte aussi potentiellement les germes d'une prise de distance à venir entre ces villes centres et leur intercommunalité dans la mesure où leurs nouveaux maires prônent un municipalisme qui envisage la commune comme la seule et unique communauté politique locale. D'où, pour l'heure, une attitude plutôt « ambiguë » à l'égard des communautés et métropoles dont ils n'ont pas voulu, ou essayé, de prendre les rênes. Soit. C'est pourtant là, on le sait, que se pense, s'organise et se déploie l'essentiel des politiques environnementales territorialisées. Là encore, il s'agit d'être vigilant et rappeler que, contre toute tentative de repli communal, ce sont les valeurs de coopération, d'ouverture, d'écoute que porte l'intercommunalité qu'il faut plus que jamais promouvoir, tout particulièrement dans le champ de l'écologie.

 

En somme, l'hypothèse est à envisager, sérieusement : l'intercommunalité pourrait prochainement faire l'objet d'un procès en légitimité. La loi Engagement et proximité en a ouvert le chemin ; les discussions ouvertes par le projet de loi « 3 D » pourraient en prendre le relai. En tout cas, les contributions d'ores et déjà proposées par le Sénat et Territoires Unis –la fédération réunissant l'AMF, l'ADF et Régions de France–, ne laissent guère planer de doute ; à l'unisson, pour ce qui concerne le « bloc local », elles consistent notamment à revenir encore et toujours sur les modalités de transferts obligatoires de certaines compétences et à revoir les clefs de répartition des sièges au sein des organes communautaires et métropolitains au bénéfice bien sûr des petites communes…Mieux : que penser de la déclaration de politique générale de Jean Castex, qui se fait le chantre du couple « maire-préfet de département » à l'Assemblée nationale ? Comment interpréter les propos du chef du Gouvernement qui s'autoproclame « Premier ministre des territoires et de la vie quotidienne » au Sénat, qui appelle dans la foulée à une plus forte implication des administrations locales dans la mise en œuvre des politiques publiques au sein des « territoires, pour les adapter à la vie des gens, dans nos régions, nos départements, nos cantons, nos communes, nos quartiers », et qui passe ainsi sous silence l'existence des communautés et métropoles ? De prime abord, tout cela est inquiétant, ou plus simplement, anachronique. Pourtant… Et si cette remise en cause était en réalité une opportunité à saisir pour l'intercommunalité, celle de porter précisément la question de sa raison d'être devant l'opinion publique, bref, l'opportunité de s'inscrire dans une nouvelle dimension démocratique et territoriale ? C'est en tout cas le parti-pris de l'ADGCF et sa feuille de route dans le cadre du projet de loi « 3 D ».

Vous l'aurez bien compris mes cher(e)s collègues : la rentrée s'annonce « animée » pour la cause intercommunale qui n'a d'autre ambition que de servir le plus efficacement possible l'usager-citoyen. Sachons le rappeler.

 

Pascal Fortoul
Président de l'ADGCF

Vie de l'association

Projet associatif : donnez votre avis sur les orientations stratégiques de l'ADGCF qui structureront le mandat associatif 2020-2023 !

Projet Associatif ADGCF

Le 26 mai 2020, l'ADGCF adressait à son millier d'adhérents un questionnaire destiné à recueillir leur point de vue sur les missions que réalise au quotidien l'Association, à préciser son positionnement institutionnel et à évaluer sa visibilité mais aussi à envisager l'opportunité de faire évoluer son offre de services ainsi que les modalités de sa gouvernance et de ses ressources.

A partir des 400 réponses recensées, nous avons le plaisir de vous transmettre un projet de texte : il caractérise tout d'abord les raisons d'être de l'ADGCF, s'attache à définir les nouvelles orientations stratégiques qui structureront le mandat 2020-2023 et propose de revoir les modalités de gouvernance et de financement de l'Association.

D'ores et déjà amendé le 24 juillet par le Bureau national, le projet associatif est désormais entre les mains de tous les adhérents : n'hésitez pas à nous faire part de vos idées et pistes d'amélioration !

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Contact : david.lebras@adgcf.fr

COVID-19 : l'ADGCF publie son journal de bord !

COVID-19 : l'ADGCF publie son journal de bord !

Tout au long du printemps 2020, l'ADGCF a recueilli les points de vue et les réflexions exprimés par les directeurs généraux des communautés et métropoles confrontés au contexte pandémique, utilisant notamment ce matériau pour alimenter l' « édito » de sa newsletter.

Afin de conserver la « mémoire » de la période « exceptionnelle » que nous avons traversée, l'Association a décidé de publier un « digest » de ces tribunes associatives souvent relayées et commentées sur les réseaux sociaux. Le document est également complété par une réflexion prospective inédite sur les enjeux post pandémie susceptibles de structurer l'action publique locale au cours de la mandature 2020-2026.

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Assemblée Nationale

L'ADGCF auditionnée dans le cadre de la mission parlementaire « Vulnérabilité, résilience et cohésions territoriales »

Le 8 juillet dernier, une délégation de l'ADGCF, composée d'Hervé Boulle, DGS de la communauté de communes de Beaucaire Terre d'Argence et vice-président de l'Association, de Guy Deléon, DGS de la communauté d'agglomération de Lamballe et délégué régional Bretagne et de Florence Ravel, DGS de la communauté de communes de Mornant et déléguée régionale Auvergne-Rhône-Alpes, a été auditionnée par le député de la Vienne, Jacques Savatier. La mission attribuée par le Premier ministre au député vise, dans le contexte pandémique, à explorer les voies et à recenser les bonnes pratiques susceptibles de participer à la réduction de la vulnérabilité des territoires et au renforcement de la résilience territoriale. Les échanges ont ainsi porté sur les grands axes transversaux de réflexions et de propositions qui, appliqués à différents champs sectoriels, pourraient utilement contribuer à la définition et à la mise en cohérence des politiques de relance à venir.

Contact : david.lebras@adgcf.fr

4e Session extraordinaire du Club Prospective

Le « Club Prospective » de l'ADGCF vous donne rendez-vous les 27 & 28 août à La Rochelle pour une nouvelle séquence de remue-méninges territorial !

A l'aube d'un nouveau mandat communal et intercommunal, presque 6 mois après la mise en sommeil d'une grande partie des activités en France et dans les pays limitrophes, et alors que les conséquences sanitaires, économiques et sociales de la pandémie liées au Covid-19 sont encore incertaines, le Club Prospective de l'ADGCF organise un temps d'échanges ouvert à tous, pour partager les enjeux de demain avec les agents et élus des collectivités, acteurs du terrain publics comme privés, étudiants et universitaires...

Programme et inscription

Espace partenaires

CAISSE DES DÉPÔTS

Avec le lancement de la Plateforme Employeurs Publics (PEP's), la Caisse des Dépôts facilite la gestion de la retraite des employés de la fonction publique

La Caisse des Dépôts a développé dès 2005 un portail de services en ligne pour les employeurs publics. Ce portail ouvert à 63 000 employeurs publics et près de 110 000 utilisateurs propose plus de 30 services en ligne pour réaliser des actes de gestion quotidiens sur les domaines de la retraite, de la solidarité, du handicap et de la formation. Ce portail fait aujourd'hui peau neuve et la Caisse des Dépôts lance ce jour la plateforme numérique PEP's à destination des employeurs publics.

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UGAP

Projet de mandature : Une nouvelle offre de conseil pour un accompagnement sur mesure

Les premiers jours d'une nouvelle mandature posent les fondations des années à venir. A travers son offre de conseil, l'UGAP et ses partenaires (McKinsey, Eurogroup Consulting et Deloitte) proposent un accompagnement sur mesure dans la mise en œuvre opérationnelle du programme politique avec un diagnostic et des recommandations ciblées. L'audit de début de mandat permet de faire un bilan stratégique, organisationnel ou encore financier sur les 6 dernières années afin de bien préparer les 6 prochaines.

En savoir plus sur ugap.fr

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