" L’impensé démographique "68 millions d'habitants en France au 1er janvier 2023 : c'est le chiffre livré par l'INSEE à l'occasion de la publication de son traditionnel « bilan démographique ». En bref, notre pays n'a jamais été aussi peuplé et sa population continue de croître, de + 0, 3 % au cours de la dernière année. Peut-on s'en glorifier ? Pas vraiment car, à y regarder de plus près, les données fournies par les statisticiens de l'État marquent un solde naturel « au plus bas depuis la fin de la seconde guerre mondiale ». La baisse historique des naissances - 723 000 soit 19 000 de moins qu'en 2021- , conjuguée à la hausse de la mortalité - 667 000 soit 5 000 de plus qu'en 2021 - , valident les projections démographiques de l'INSEE de 2016 qui envisageait 76, 5 millions de Français en 2070 et n'en espère plus que 69 millions dans ses prévisions réalisées en 2021. La France entrevoit donc, à son tour, les prémices de son déclin démographique.
Cette double dynamique - un pays qui n'a jamais été aussi « plein » mais qui fait face à la décroissance à venir de sa population - doit aujourd'hui davantage alimenter la réflexion collective sur le contenu et le déploiement de l'action publique territoriale mais aussi sur notre modèle de développement.
En effet, dans les toutes prochaines années, la France va continuer à se peupler, essentiellement dans les aires urbaines qui ceinturent les agglomérations où se concentrent les emplois. À l'inverse, d'autres territoires, situés aux extrémités de ces espaces périphériques dont l'urbanisation ne faiblit pas, ont, eux, d'ores et déjà entamé leur décroissance et semblent s'être émancipés de l'influence des « villes ». Dans cette configuration, plutôt que de jouer le jeu des corporatismes, les décideurs publics locaux ont la responsabilité de promouvoir des stratégies et des actions ajustées et coordonnées, articulées autour de l'enjeu écologique et, au travers desquelles, chaque territoire doit pouvoir trouver sa place.
Surtout, dans la mesure où le référentiel de l'action locale s'inscrit toujours dans la capacité à faire croître des indicateurs quantitatifs qui alimentent la ressource fiscale et financière des territoires, comment les collectivités anticiperont-elles les effets de la contraction de notre population, alors même qu'elles se vivent précisément en concurrence les unes avec les autres pour « capter » de nouveaux habitants ? Considérant que nous devrions atteindre notre pic démographique en 2044, il apparaît urgent d'élaborer collectivement - État, territoires, entreprises - une nouvelle grammaire économique, sans doute plus « humano-centrée » pour reprendre l'expression de Pierre Veltz. En effet, c'est bien là que se trouvent les gisements d'emplois et la croissance de demain : une valeur produite pour les personnes, des priorités productives intégrant la trajectoire baissière de la population française - ainsi que son inexorable vieillissement - et réorientées autour de la santé, de l'alimentation, des mobilités, de la sécurité…
À l'heure où notre pays s'interroge sur le devenir de son système de retraite, la question démographique ne peut demeurer plus longtemps un impensé dans la structuration de nos politiques socioéconomiques ; elle doit, pour l'ADGCF, en devenir la colonne vertébrale.
Mes cher(e)s collègues, il n'est pas trop tard pour vous souhaiter une très belle année 2023, pleine de bonheurs personnels et familiaux, de réussites professionnelles et, surtout, une bonne santé pour savourer tout cela.
Régis PETIT Président de l'ADGCF |