semaines par l'entrée en vigueur le 1er janvier 2023 de l'ordonnance du 23 mars 2022 instaurant un régime unifié pour les gestionnaires publics, l'ADGCF a souhaité, comme elle a l'habitude de le faire, disposer de données objectives, c'est-à-dire issues de l'expérience directe des directeurs généraux d'intercommunalité. Bilan : 200 réponses collectées en une semaine, compilant des éléments quantitatifs et qualitatifs. Si une infographie complète sera prochainement confectionnée et diffusée, on peut d'ores et déjà tirer les principaux enseignements de l'enquête.
Premier constat, le nombre de mises en cause de cadres de communautés ou de métropoles demeure modéré, puisque seuls 2 % des répondants se déclarent actuellement « victimes » du nouveau dispositif relatant essentiellement des problématiques liées au non-respect des délais de paiement de marchés publics ou de recouvrement de subventions. Plus significatif, ce sont bien 81 % des répondants qui se « sentent » menacés par le nouveau régime de responsabilité et qui pointent la tendance à l'inaction que pourrait engendrer la peur de la condamnation. Pour l'ADGCF, un des enjeux est précisément de parvenir à bien distinguer la notion de faute de la prise de risque dans l'objectif de ne pas paralyser dans l'avenir le déploiement des politiques territoriales. A l'aune de l'expression de ce sentiment de menace, 57 % des répondants indiquent avoir engagé des actions de sensibilisation auprès des agents de leur intercommunalité. S'il s'agit dans certains cas de simples points d'information quasi informels, d'autres répondants évoquent la tenue de réunions dédiées rassemblant les membres du CODIR, la totalité des chefs de service de l'intercommunalité, les agents en charge de la saisie comptable et des régisseurs de recettes et d'avances, voire les managers et les secrétaires de mairie mutualisés, sans oublier la mise à l'agenda de temps de formation spécifiques mobilisant un avocat ou les services de la DGFIP.
Concernant les actions de prévention, ce sont 32 % des répondants qui affirment en avoir mises en œuvre. Parmi celles-ci, l'élaboration d'une cartographie des risques, le déploiement de nouvelles règles restrictives, de procédures et de circuits de validation revus et sécurisés, mais aussi la création d'une fonction d'auditeur interne ou de référent déontologue. On notera, enfin, que seuls 10 % des répondants bénéficient d'une assurance spécifique liée au nouveau régime des décideurs publics. Enfin, si la partie qualitative de l'enquête mérite un examen approfondi, on peut noter que bon nombre de nos collègues expriment un sentiment d'isolement et de manque de moyens pour faire face à ces nouvelles contraintes, un nécessaire besoin de clarification des textes et de partage des expériences, tout en espérant, également, une extension de la protection fonctionnelle...
Bien sûr, une action commune et argumentée des différentes associations professionnelles s'avère indispensable pour mieux « adapter » le nouveau régime unifié des décideurs publics, tout en sachant qu'il ne s'agit pas, pour l'ADGCF, de remettre en cause le principe de la responsabilité managériale, encore moins de se désolidariser des élus communautaires et métropolitains. Quoi qu'il en soit, l'ADGCF s'attachera, dans les prochaines semaines et prochains mois, à éclairer les risques et la jurisprudence mais aussi à diffuser les « bonnes pratiques », voire à étoffer son offre assurancielle. Au-delà mes cher(e)s collègues, il faut être lucide : la mise en jeu de la responsabilité pénale des décideurs publics correspond à une tendance globale de nos sociétés conduisant à une moralisation de la vie publique, à une recherche intransigeante, parfois excessive, de la transparence, qui alimente malheureusement une confusion entre responsabilité et culpabilité. Il est urgent, pour les autorités compétentes, de juguler cet amalgame. L'attractivité de notre métier en dépend.
Régis PETIT
Président de l'ADGCF