Édito

Régis Petit

Président de l'ADGCF

« Le « refuge » comme moteur narratif de l'intercommunalité »

Malgré ses indéniables succès, malgré son action indispensable au service de nos concitoyens et au

maintien du tissu communal, l'intercommunalité ne fait toujours pas partie de notre patrimoine territorial. D'où une interrogation légitime : qu'avons-nous raté ? Où le conte de fée s'est-il enrayé ? Osons une hypothèse : peut-être que l'intercommunalité n'a pas suffisamment su mettre en récit les réussites qu'elle a engendrées,

raconter son modèle, celui de la coopération, celui de l'équité, de l'expérimentation et de l'anticipation, au service de l'amélioration continue de la qualité du service public local et des grandes transitions. Voilà le point de départ des réflexions qui ont animé, les 3 & 4 juillet derniers, à Chalon-sur-Saône, les 17èmes Universités d'été des directeurs généraux des communautés & métropoles. L'objet même de ces journées animées par la politiste Manon Loisel et qui ont réuni plus de 300 cadres intercommunaux : imaginer collectivement un récit en phase avec les transformations contemporaines de l'intercommunalité, mobilisant un imaginaire et des mots d'ordre spécifiques, toujours dans une perspective d'intérêt général.

 

Mais est-il encore possible de bâtir un récit fondé sur le respect du pacte républicain et la recherche de l'intérêt général alors que c'est le discrédit qui est aujourd'hui devenu désirable comme l'a souligné le Christian Le Bart lors de sa conférence inaugurale ? Pour le politiste, c'est précisément parce que nous traversons une époque marquée par la recherche permanente du clash et de l'outrance que nous devons veiller à ne pas produire un récit transgressif, un récit intercommunal du ressentiment ou des passions tristes ; n'oublions jamais que l'intercommunalité repose sur un affectio societatis, une intention de coopérer, toujours au service de nos concitoyens. Avec David Guéranger, c'est le récit du « malaise » des maires, relayé et surtout dramatisé par les médias, que nous avons décrypté. La faute de l'État ? De l'intercommunalité ? Loin de là. En réalité, pour le sociologue, le problème, c'est essentiellement l'effritement de la base de la pyramide communale. Dit autrement, au cours de ce mandat, les maires ont dû faire face à des démissions massives de leurs adjoints et conseillers. La conséquence : un repli manifeste sur la cellule communale et sa gestion et une mise à distance de l'intercommunalité qui tend, en parallèle, à s'inscrire toujours plus dans une dynamique de professionnalisation de l'action publique. Dans un contexte de défiance à l'égard du politique, Alain Faure a lui plaidé pour que les intercommunalités racontent avec enthousiasme trois promesses qui symbolisent les défis de la transition. La première renvoie à l'exemplarité. Pour le politiste, il s'agit d'identifier et de rendre visible les « médiateurs politiques » —les personnalités— susceptibles d'incarner les expérimentations audacieuses de l'intercommunalité en matière de transition. La deuxième promesse, concerne la charge symbolique des lieux et des événements (culturels, sportifs, patrimoniaux) qui font la chair, le cœur et l'écorce du territoire intercommunal. La mise en récit de cette effervescence peut constituer le point de départ d'un sentiment de fierté et d'enracinement qui est différent de l'identité communale. Enfin, la troisième promesse concerne les dispositifs participatifs ou délibératifs qui ouvrent des débats sur le futur désirable —les conventions citoyennes, les conseils de développement, les associations... Il faut impliquer ces corps intermédiaires dans les futurs projets de territoires en valorisant leur capacité à dire de façon sensible et émotionnelle les attachements au territoire.

 

C'est Esther Rogan, spécialiste d'Aristote, qui a ouvert nos travaux le vendredi matin, rappelant que, si pour les Grecs le conflit était consubstantiel au politique, le mal politique par excellence résidait dans le concept de stasis qui renvoie à l'idée de discorde, de division insurmontable entre les citoyens, voire à la guerre civile. Pour la philosophe, garantir et pérenniser la cohésion de la cité, revient alors à élaborer un récit politique fondé sur un principe, la recherche permanente de la justice, et sur un processus, le travail proprement politique de régulation des conflits —le compromis et donc l'unité

naissent forcément de la division—. Dans cette perspective hellénistique, le défi à relever pour les communautés et métropoles : définir à partir de leurs entités municipales le « commun » qui constitue la fin même de la « cité intercommunale » et qui ne doit viser qu'un seul objectif, le « bonheur » des habitants du territoire. Ouverte par la diffusion en avant-première du court-métrage « Et si... La transformation écologique était la matrice des politiques intercommunales n°2 — Les faiseurs de bifurcation », la dernière séquence de ces Universités d'été consistait à envisager la possibilité d'un enjeu écologique susceptible d'inspirer le grand récit intercommunal. Au travers d'un dialogue entre l'anthropologue et élue nantaise Aziliz Gouez et le géographe Michel Lussault, a émergé un faisceau de desseins que pourrait investir l'ADGCF : celle d'une intercommunalité comme espace de définition d'une vie bonne et juste, celle d'une intercommunalité comme premier ordre de grandeur à partir de laquelle on peut mobiliser les ressources des « cohabitants » et construire un pacte territorial local, celle d'une intercommunalité comme lieu du refuge de l'effort collectif au service de la bifurcation environnementale, c'est-à-dire de l'habitabilité et de l'hospitalité dans un monde de plus en plus régressif.

 

In fine, on peut se poser légitimement la question : l'ADGCF devait-elle sortir du champ de l'analyse des politiques publiques stricto sensu et consacrer ses 17 èmes Universités d'été à la question du récit, à la construction d'une mythologie intercommunale, à la hauteur de sa montée en responsabilité et en mesure de lui donner ce qui lui fait jusque-là défaut, c'est-à-dire un substrat culturel, identitaire, voire mémoriel ? La réponse est indéniablement oui. Oui, à l'aune des tensions internationales et de leurs impacts sur nos territoires, des chocs qui s'accumulent et qui révèlent nos fragilités et éprouvent, de fait, nos capacités à nous organiser collectivement pour les surmonter, comme l'a superbement illustré le sénateur Claude Malhuret présent lui aussi à Chalon-sur-Saône. Oui, au regard du discours mainstream actuel, porté par certains corporatismes territoriaux, opposant la commune à

l'intercommunalité, les centres à leur périphérie et ambitionnant, non pas de mettre fin à la dynamique communautaire, mais plutôt de la réduire à sa dimension syndicale. Oui, si l'on considère que le principe du « pour vivre heureux vivons cachés » n'est plus tenable face à l'enjeu de la politisation des responsabilités intercommunales, notamment en matière d'écologie.

 

Mes cher(e)s collègues, au cours ces Universités d'été, nous aurons tenter de faire nôtre cet aphorisme du philosophe gallois Raymond Williams : « être vraiment radical, c'est rendre l'espoir possible plutôt que le désespoir convaincant ». Je vous souhaite un bel été et vous donne rendez-vous le 8 octobre prochain à Toulouse, dans le cadre de la convention nationale de l'intercommunalité, pour notre Assemblée Générale annuelle !

 

 

Régis PETIT

Président de l'ADGCF

Vie de l'association

17èmes Universités d'Été de l'ADGCF à Chalon : quelle réussite !

Trois jours pour tenter d'esquisser les contours d'un récit intercommunal, d'en chercher les mots et d'en éclairer le sens : mission accomplie ! Au cours de cette édition exceptionnelle, avec des conférences inspirantes mêlant sociologie, science

politique, géographie, mais aussi quelques détours inattendus par la philosophie grecque ou encore des ateliers de constellations systémiques, nous avons collectivement interrogé ce que l'intercommunalité dit d'elle-même dans la perspective des élections municipales à venir. Cette édition s'est clôturée avec la projection inédite du deuxième volet du film « Et si ... ? », centré sur les faiseurs de bifurcation, qui sera diffusé à l'automne à l'occasion d'un Tour de France régional, avec des projections-débats. Un immense merci à l'ensemble des participants, intervenants, partenaires... et à Frédéric Iacovella, DGS du Grand Chalon, et ses équipes, pour leur accueil.

Save the date : l'Assemblée Générale de l'ADGCF se tiendra le 8 octobre à Toulouse

Comme chaque année, l'ADGCF tiendra son assemblée générale en parallèle de la convention nationale des intercommunalités de France, qui aura lieu cette année au MEETT de Toulouse. L'occasion de dresser le

bilan de l'année (action régionale, activités du Conseil scientifique, cycle de formation avec Sciences Po, etc.), mais également de dessiner les contours de notre projet associatif pour l'année à venir, pour le moins particulière, puisque les élections municipales amèneront leur lot de bouleversements au sein des conseils communautaires et des organisations intercommunales. Inscriptions à venir prochainement, venez nombreux !

L'interview de David Le Bras, délégué général, pour la revue Millénaire 3

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« Pendant longtemps, l'action économique des collectivités s'est structurée autour de deux objectifs : attirer de nouveaux habitants et développer l'activité. (...) Aujourd'hui, ces modèles montrent leurs limites ». David Le

Bras, délégué général de l'ADGCF, revient pour Millénaire 3, la revue prospective de la Métropole de Lyon, sur la réflexion collective portée avec la démarche « Et si... la transformation écologique devenait la matrice des politiques intercommunales ? ». Face aux constats implacables (tensions sur les ressources, inégalité de la distribution des richesses, coûts publics...), il s'agit de revenir sur des années de priorité accordée au développement économique pour réinterroger ses finalités.

Grande enquête sur les politiques sociales intercommunales

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Qu'il s'agisse de répondre aux besoins du quotidien des habitants ou de préparer nos territoires aux grandes évolutions en cours et à venir, les enjeux de cohésion sociale nous imposent d'agir dans tous les domaines, de

mobiliser toutes les compétences de nos collectivités. Dans ce contexte, l'intercommunalité trouve sa place, avec singularité : une approche transversale et intégrée des sujets, une vision et une capacité d'action à l'échelle du bassin de vie, une attention portée à la coordination des acteurs... Intercommunalités de France souhaite, en partenariat avec l'ADGCF, dresser un état des lieux de la manière dont les intercommunalités portent et pilotent les politiques de cohésion sociale, quelles relations elles tissent avec les autres acteurs, quelles ressources elles mobilisent, quels enjeux elles envisagent pour le prochain mandat. 

Quels services publics en 2040 ? Séminaire du Réseau Prospective Territoriale

inscriptions

Le séminaire annuel du Réseau Prospective Territoriale revient pour une nouvelle édition consacrée à une question cruciale : quels services publics en 2040 ? Les 28 et 29 août

2025 à La Rochelle, professionnels et acteurs des territoires se retrouveront pour interroger les transformations à venir et bâtir des scénarios d'avenir. Depuis mars 2025, le Réseau Prospective Territoriale et Futuribles International ont engagé un chantier d'exploration collective des futurs possibles des services publics à l'horizon 2040. Ce séminaire marquera une étape clé de la démarche : il permettra de partager les premières pistes de réflexion, de les confronter aux intervenants et aux participants et d'enrichir ainsi le travail prospectif engagé.

Colloque national - Les intercommunalités face au défi de la territorialisation de leur politique déchets

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Extension des consignes de tri, lutte contre le gaspillage et promotion du réemploi, responsabilité élargie du « producteur »...

Historiquement responsabilisées en matière de collecte et de traitement des déchets, les intercommunalités font face à une profonde évolution de l'exercice de cette politique publique. Plus précisément, il s'agit aujourd'hui de répondre aux enjeux de la réduction des déchets, de la performance du recyclage et de la modernisation des installations de traitement. Ce colloque, organisé en partenariat avec le bureau d'études EODD, s'inscrit dans les travaux que conduit l'ADGCF dans le champ de la transformation écologique. Il vise à identifier les obstacles qui entravent le déploiement « vertueux » de la compétence « déchets » des communautés & métropoles ainsi que les leviers susceptibles de répondre aux exigences environnementales contemporaines.

Agenda

septembre

octobre

décembre

Partenaires

Interview d'Alexandre Mora, Directeur Développement et Commerce de Transdev France

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« Les AOM régionales et intercommunales ont transformé progressivement leur mode d'action. A l'échelle intercommunale, nous nous mettons au service du projet de territoire en articulant les différents enjeux de politiques publiques : comment nos offres de mobilité s'inscrivent en cohérence avec des stratégies d'aménagement de l'espace, de cohésion sociale et transformation énergétique ? (...) Les Régions sont devenues stratèges, avec une vision, des priorités politiques et une exigence accrue d'impact pour les citoyens. Cela change profondément la nature de la relation avec les opérateurs. Cette relation ne peut plus être simplement transactionnelle. Elle doit être partenariale et s'inscrire dans une vision prospective. »

Enquête nationale 2025 : données et IA dans les collectivités

participez dès maintenant

L'Observatoire Data Publica, en partenariat avec le groupe La Poste, lance la 4e édition de son enquête annuelle sur l'usage des données et de l'intelligence artificielle par les acteurs publics locaux. Cette enquête vient enrichir chaque année notre note de conjoncture « Data, intelligence artificielle et cybersécurité dans les territoires ». Après avoir révélé en 2024 l'essor rapide de l'IA générative dans les collectivités, l'édition 2025 veut dresser un nouvel état des lieux sur des pratiques en plein évolution et l'émergence de nouveaux thèmes comme la souveraineté technologique. Avec près de 300 répondants l'an dernier, cette enquête fait aujourd'hui référence. Elle est ouverte à tous les profils - nul besoin d'être expert pour y répondre - jusqu'au 31 juillet.

Baromètre AFL 2025 de la santé financière des collectivités locales : une fin de mandat entre résilience et fragilités

lire le baromètre

Dans un contexte marqué par une inflation persistante, un ralentissement économique et un climat politique instable, ce Baromètre confirme l'émergence de deux blocs aux dynamiques divergentes : un bloc communal, globalement résilient, et un bloc départements/régions, en difficulté croissante. Au global, la situation financière du monde local reste soutenable avec une note financière moyenne en légère dégradation. Néanmoins, si cette évolution peut sembler modérée, elle masque des disparités croissantes entre territoires et segments de collectivités. À noter : Deux éléments caractérisent l'exercice budgétaire 2024 et expliquent principalement l'évolution des notes des différents segments de collectivités locales : la forte progression des dépenses et un montant d'emprunt inédit (27 Mds€ soit +27% par rapport à 2023). 

Végétaliser les PLU(i)

en savoir plus

Les Recommandations rédactionnelles pour intégrer la végétalisation du bâti dans les PLU(i), publiées par l'Adivet, visent à accompagner les rédacteurs des documents de planification dans la compréhension des services écosystémiques rendus par la végétalisation du bâti et leur intégration juridique dans les plans locaux d'urbanisme. Conçu comme un catalogue de textes prêts à l'emploi et accompagné d'un Guide pédagogique, ces Recommandations fournissent un cadre réaliste et ambitieux pour des villes plus vertes, structuré autour de quatre axes prioritaires : l'accueil de la biodiversité, la gestion des eaux pluviales, la lutte contre les îlots de chaleur urbains et les toitures biosolaires (toitures mixtes végétalisation et panneaux solaires).

Retrouvez toute l'actualité de l'Association sur notre site internet www.adgcf.fr

La lettre d'information de l'ADGCF