L'écologie, angle mort de la décentralisation ?In fine, la décentralisation est-elle compatible avec la lutte contre le réchauffement climatique ? Voilà la problématique à laquelle ont abouti les participants à la première étape du « tour de France » de l'ADGCF visant, dans la perspective des présidentielles de 2022, à définir le contenu d'un potentiel « Acte 4 » de la décentralisation. Autant le dire tout de suite : à Angoulême, dans le cadre de notre délégation Nouvelle Aquitaine, pas de round d'observation, nous sommes directement entrés dans le vif du sujet.
A l'aune de notre étude Quel monde territorial demain ?, le constat que nous avons collectivement dressé est simple : en France, l'« égalité » est au fondement de la politique d'aménagement du territoire. Conséquence : dans une République décentralisée, chaque territoire doit avoir la possibilité d'offrir les mêmes équipements et services à ses habitants. C'est pourquoi, depuis le début des années 80, au nom du principe d'égalité précisément, les maires ont revendiqué leur droit au développement quitte à démultiplier les zones d'habitat pavillonnaire, les infrastructures publiques, les centres commerciaux, tirant ainsi parti de la « fenêtre d'opportunité » qu'a constitué la décentralisation de l'urbanisme. Certes nous avons tous en tête, ici et là, des exemples plus vertueux. Mais admettons-le : jusqu'à présent, rares sont les édiles qui ont fait de la lutte contre la consommation foncière et l'étalement urbain le moteur de leur mandat. On peut d'ailleurs les comprendre, dans la mesure où l'essentiel des « modèles » de stratégie territoriale disponibles renvoie quasi exclusivement à des enjeux de « développement ».
Bien sûr, un discours alternatif émerge aujourd'hui, invitant les administrations locales à adopter d'autres trajectoires, plus résilientes, et à s'appuyer davantage sur les capacités et ressorts de leur territoire. Mais au-delà des discours et des actions environnementales d'ores et déjà portées par les collectivités, l'épuisement effectif des ressources de notre planète suppose un changement non pas progressif, mais bien radical de modèle. Or, force est de constater que chez la majeure partie des acteurs politiques et techniques locaux, nous sommes loin de la mobilisation générale. La problématique du « Zéro Artificialisation Nette » campe d'ailleurs parfaitement la difficulté des collectivités à faire de l'enjeu écologique la matrice des politiques qu'elles conduisent : au-delà du caractère certes largement perfectible de cette nouvelle « règle » en matière d'aménagement, c'est autant la question de sa mise en œuvre opérationnelle que la recherche de stratégies pour s'y soustraire qui agitent le monde territorial et ses experts…
En somme, à l'aune d'un processus de décentralisation qui postule la libre administration des collectivités et le droit de tous les territoires au développement, il a nous semblé impératif, à Angoulême, avant même d'entrer dans le jeu des propositions, de nous poser une première question fondamentale : celle de l'adéquation des principes qui régissent aujourd'hui l'organisation du pouvoir local en France avec l'enjeu de la transformation écologique. Gageons que notre prochain rendez-vous le 9 novembre à Louviers, nous donnera l'occasion de poursuivre le débat d'idées et d'apporter des éléments de réponse à cette première interrogation collective : venez nombreux !
Yvonic RAMIS Président de l'ADGCF |