Interview de Joris Benelle, DGS de la communauté de communes Le Grésivaudan (Isère- 43 communes - 104 000 habitants)


Interview de Joris Benelle

Quel est votre parcours professionnel ? 

Après des études en finances et en management des organisations à l'université Grenoble Alpes, je commence ma carrière professionnelle comme chargé de mission auprès du DGS du département de l'Isère. Ce poste m' a permis d'acquérir rapidement une expérience variée sur de nombreux sujets stratégique à l'échelle du territoire. Parmi mes missions, je travaille notamment sur la territorialisation et la déconcentration des services départementaux et sur les transferts de personnels dans le cadre de l'acte II de la décentralisation.

Ensuite, je rejoints le CHU Grenoble Alpes  entre 2006 et 2010, en qualité de responsable administratif du pôle urgence SAMU SMUR et du pôle anesthésie réanimation. Puis, de 2010 à 2014, j'ai occupé les postes de directeur de l'évaluation et du pilotage puis de directeur général délégué aux ressources de Grenoble Alpes Métropole. À ce titre, j'avais en charge les finances, les ressources humaines, les moyens généraux, le patrimoine et les systèmes d'information. A cette époque, je pilote notamment le dossier de DSP du Stade des Alpes, l'intégration de 2 communautés de communes voisines dans le cadre du SDCI et le passage de la communauté d'agglomération en métropole. Avec l'objectif d'enrichir ce parcours inter fonctions publiques, je rejoins l'université Joseph Fourier en 2014 pour préparer la fusion des 3 universités grenobloise et devenir DGS de l'Université Grenoble Alpes le 1er janvier 2016. la La création d'un établissement public expérimental au 1er janvier 2020 sera la dernière étape de ces 6 années à la tête de cette belle administration universitaire composée de 6000 personnels.

Fort de cette expérience, je ressens le besoin de revenir dans la fonction publique territoriale pour accompagner des élus et remettre mes compétences au service du développement local.

C'est alors que je prends la direction générale des services de la communauté de Communes du Grésivaudan en janvier dernier. Pour moi, ce territoire représente un véritable challenge tant dans la diversité de ses compétences que dans son potentiel de développement. Ce constat est largement confirmé par la feuille de route claire et ambitieuse de mon président, Henri BAILE, qui s'articule autour de la stabilisation et la structuration de l'administration, du renforcement du lien avec les communes, de la consolidation des compétences transférées ces 10 dernières années et du développement des coopérations interterritoriales.

 

Quelle expérience vous a particulièrement marqué?

En me retournant, je me rends compte que je fête mon 20ème anniversaire de carrière. 20 ans d'investissement sur le même territoire et en inter fonctions publiques au sein de structures publiques majeures !

Sans lister les projets les plus marquants, je retiendrais plutôt un poste marquant et un projet marquant.

Un poste d'abord : chargé de mission auprès du DGS du Département. Ce fut pour moi la période la plus riche en termes d'apprentissage. Un véritable accélérateur qui m'a permis de toucher à tout et à un niveau de stratégie élevée. Chaque heure passée, chaque réunion me permettaient de capitaliser pour l'avenir. Sans m'en rendre compte sur le moment, j'étais autant dans l'action que dans l'observation. Cela m'a permis de me projeter pour la suite et d'être prêt à prendre de manière progressive les postes de chef de service, directeur, DGA puis DGS.

En ce qui concerne le projet, je voudrais parler de la fusion des universités grenobloises. Cette fusion était très attendue sur le territoire par un grand nombre d'acteurs universitaires mais aussi politiques. Les attentes étaient importantes : le rayonnement, l'attractivité et la puissance académique et scientifique du territoire étaient en jeu. Pour moi, l'objectif était de fusionner en moins d'un an 3 administrations réunissant près de 2800 personnels administratifs et techniques (l'UGA étant composée de 3200 enseignants chercheurs et 2800 personnels administratifs et techniques). Ce fut une aventure exceptionnelle en tout point.

D'abord parce qu'il s'agit d'un moment historique.  Après la création des 3 universités en 1970, leur fusion est une étape marquante ancrée pour les décennies à venir. Cette aventure, je pourrais la raconter à mes petits enfants !

Ensuite, parce qu'il a fallu tout construire de A à Z : un nouvel organigramme, des procédures innovantes, un projet d'administration, une stratégie RH, un budget fusionné et même une nouvelle identité.

Enfin, pour l'aventure humaine et l'impact sur les personnels et les usagers. Nous avons créé à cette occasion un réel collectif au sein de l'administration, j'ai senti un sentiment d'appartenance très fort à cette nouvelle structure. Pour les étudiants, l'impact a été aussi très fort dès le début car le rayonnement, le positionnement et l'image de leur université a, de fait, renforcé la valeur de leur diplôme.

 

Selon vous, quels sont les enjeux pour les DG aujourd'hui ?

Au risque de ne pas être très innovant, je pense bien sûr à la crise sanitaire. Cette crise a bouleversé énormément le monde dans lequel on vit. Tout est (ou doit être) réquisitionné depuis notre rapport au travail jusqu'à l'impact sur nos politiques publiques. Si on ajoute à cela les enjeux des transitions (écologiques, environnementales, sociales), la problématique du vieillissements, l'impact de la crise sur les jeunes générations, l'accélération du numérique et de l'intelligence artificielle… on mesure à quel point la tâche des DGS consistant à faire le lien entre un projet politique global sur un territoire et sa mise en opérationnalité est complexe. Notre enjeu en tant que DGS est de soutenir et d'aiguiller nos présidents, exécutifs, élus dans la conduite des politiques publiques et de leur apporter toutes les clés pour ne pas se tromper. Engager l'avenir, construire et développer pour les générations futures est une lourde responsabilité. Pour cela, à nous d'être de bons chefs d'orchestre de nos administrations.

 

À qui, à quoi ressemblera la / le dirigeant(e)s de territoire de demain ?

À une personne dotée de supers pouvoirs !

Plus sérieusement, j'ai le sentiment que plus on avance, plus le monde se complexifie. Regardez ma génération de DGS, nous n'avons connu que des crises ; j'ai commencé ma carrière en pleine crise économique où on ne parlait que de réductions budgétaires et de rigueur, ensuite le terrorisme puis la crise sanitaire. Il faut de la résilience à tous les étages. Les DGS de demain devront, encore plus qu'aujourd'hui, aborder tous les sujets ou projets de manière systémique. Les DGS doivent penser global, agir local.

Je terminerais par l'aspect managérial parce que sur ce sujet aussi, tout évolue très vite. Les jeunes générations qui entrent ou vont entrer sur le marché du travail ont un rapport au travail qui bouleverse tous nos standards et toutes nos certitudes. Par conséquent, nous devons apprendre à travailler et à manager en créant du lien et de l'échange entre les différentes générations tout en apportant du sens et des valeurs à nos équipes pour les aider à développer un regard pluridisciplinaire dans un environnement constamment mouvant.

[02/11/2021]