" Destination : inconnue "
Après les retraites, l'heure de la décentralisation ? En octobre dernier, à l'occasion d'un déplacement en Mayenne, le Président de la République avait déclaré vouloir « ouvrir un nouveau chapitre de la décentralisation ». Et manifestement, ce n'était pas un vœu pieux. Ces dernières semaines, les médias nationaux et locaux ont en effet largement fait écho de la volonté d'Emmanuel Macron d'engager dès le printemps une réforme des institutions comportant un important volet territorial. Rappelons qu'en la matière, le Gouvernement n'est pas resté inactif : de l'énonciation du « pacte girondin » à la suppression de la taxe professionnelle en passant par la promulgation des lois « engagement et proximité » et « 3DS », force est de constater que la précédente mandature a contribué à épaissir le cadre juridico-institutionnel des territoires.
Reconnaissons-le aussi : les dynamiques engagées l'ont davantage été en « réaction » au climat social du pays et au contexte sanitaire, voire, pour ce qui relève des processus de recentralisation budgétaire et fiscale, aux impulsions de l'Union européenne. En bref, Emmanuel Macron n'aura pas rempli l'objectif qu'il s'était fixé lors de sa campagne de 2017, celui de « réduire le millefeuille territorial ». Dès lors, faut-il s'étonner de la volonté de l'Elysée visant à relancer la réforme des organisations locales ? Sans doute pas.
Ce qui peut surprendre, en revanche, ce sont les premières orientations qui alimentent d'ores et déjà la controverse : pêle-mêle, réinstaurer le « conseiller territorial » - porté initialement par Nicolas Sarkozy - et faire du canton la circonscription élective de la Région ; revenir sur les fusions de régions opérées sous la mandature de François Hollande en envisageant le démantèlement des plus grandes d'entre elles ; sur le modèle lyonnais, favoriser la fusion des Départements et des métropoles dans les territoires urbanisés ; continuer également à responsabiliser les intercommunalités dans le champ du logement… On serait tenté de dire, soit, allons-y. Mais, à y regarder de plus près, une question s'impose : quelle est la cohérence, le fil rouge, le sens global de toutes ces propositions ? Quelle trajectoire et surtout quelle destination esquissent-elles pour les territoires, leurs élus et leur administration ?
Bien sûr, on peut déjà s'interroger sur l'intérêt d'exhumer le « conseiller territorial » ne serait-ce qu'au regard de la convergence aujourd'hui manifeste des responsabilités intercommunales et départementales - c'est pourquoi l'ADGCF appelle à transformer le Département en sénat des territoires -, ou encore sur la possibilité de redécouper des régions qui commencent à peine à prendre leurs marques. On ne peut, surtout, que se désoler de l'absence de ce qui constitue, aux yeux de nos adhérents, la mère de toutes les réformes, le remembrement des communes. Autre enjeu crucial invisibilisé : l'impérieuse nécessité d'imaginer une fiscalité locale en mesure de constituer le levier de la politique territorialisée de transformation écologique. Rappelons, au passage, que le dernier rapport de la Cour des comptes faisait précisément de la recomposition du maillage communal et du renouveau de notre fiscalité locale les clefs de voûte d'une réforme ambitieuse des territoires…
Quoi qu'il en soit, une certitude : l'ADGCF fera entendre sa voix dans les cénacles où seront faits et défaits les articles du dispositif législatif à venir et ce, au nom d'une seule et unique ambition décentralisatrice : travailler à l'établissement d'un nouveau contrat social et environnemental fondé sur une réelle solidarité fiscale.
Régis PETIT Président de l'ADGCF |