Interview de Virginie Pinget Bauer, DG de la communauté de communes de la Vallée verte (Haute-Savoie - 8 communes – 8000 habitants)


Interview de Virginie Pinget Bauer

Quel est votre parcours professionnel ?

J'ai un parcours plutôt classique. Après des études de droit à Lyon, je souhaitais devenir avocate mais une opportunité dans un SIVOM a changé mes projets. J'ai donc intégré ce syndicat en qualité de responsable administrative pour mon premier poste. Rien ne me prédestinait à une carrière dans l'administration mais je me suis sentie tout de suite très bien dans cet univers. Ce SIVOM à la carte était une petite structure - 6 agents en charge principalement d'un gymnase, d'une déchetterie et d'une école maternelle – sans véritable marge de manœuvre n'ayant pas de budget propre. Dans ce contexte, la transformation en communauté de communes en 2010 a été un défi très stimulant et épanouissant d'autant plus que j'ai été nommée directrice générale des services au même moment. À ce titre, j'ai bien évidemment travaillé sur les statuts et la création de notre intercommunalité.

Après plusieurs années à mon poste et à l'instar de plusieurs femmes dirigeantes, j'avais parfois l'impression de ne pas être à ma place et je me remettais souvent en question. Pour remédier à cette situation où j'avais le sentiment de manquer de confiance j'ai décidé de faire un bilan de compétences et de me faire coacher pour me rassurer, étoffer mon approche et aller chercher de nouvelles ressources. Suite à ces démarches de développement professionnel et personnel, j'ai décidé de participer au cycle supérieur de management de l'INET l'année dernière car j'avais besoin de prendre de la hauteur et de me lancer un nouveau défi. Cette expérience a été extraordinairement épanouissante et bénéfique pour moi. Malgré un investissement important et le climat compliqué de crise, j'ai l'impression de m'être dépassée et de ressortir de cette formation plus confiante, plus « outillée » et totalement reboostée.

Par ailleurs, la solidarité et la bienveillance sont les bases de mon approche managériale. J'ai la chance d'être entourée de collaboratrices et collaborateurs de qualité que j'apprécie aussi bien pour leur savoir-faire que leur savoir-être. J'ai un rapport d'égal à égal avec chacun d'entre eux et cette horizontalité me permet de connaître les projets et le quotidien de chaque agent et ce qui se passe dans ma structure en temps réel mais surtout ce qui pourrait s'y passer. En effet, cette connaissance me permet de fixer des objectifs ambitieux et réalistes pour que toutes les parties prenantes soient épanouies et efficaces en utilisant au maximum ses capacités dans un climat agréable.

 

Quelle expérience a été particulièrement marquante ?

J'ai envie de parler de l'ambiance de travail dans laquelle j'ai évolué puis d'un projet particulièrement marquant.

Concernant le premier point, être une femme dans un univers rural et politique n'a pas toujours été chose aisée mais j'y ai trouvé l'opportunité d'en faire une force. J'ai voulu me montrer et montrer aux élu(e)s, aux agent(e)s et aux jeunes filles qu'on pouvait être compétente, avoir des enfants et des responsabilités professionnelles pour prouver que nous avions toutes notre place en tant que dirigeante malgré des attentes et demandes parfois disproportionnées de la part notamment d'un ancien président…

Pour le projet qui me tient particulièrement à cœur, je souhaiterais parler de notre cinéma, qui est le plus petit cinéma d'art et d'essai de France. Nous avons voulu le garder et le mettre aux normes ce qui n'a pas été un projet aisé car ce dernier est situé au cœur du village, près d'une croix classée et proche d'une église, il a d'abord fallu négocier avec le diocèse et les architectes des bâtiments de France, un véritable challenge !

Ensuite, on a tout mis en œuvre pour en faire un outil culturel attractif et rayonnant pour notre territoire. Doté de 130 places, c'est une petite salle conviviale où nous accueillons aujourd'hui des sorties nationales à des prix défiants toute concurrence.

 

Quels ont été les enseignements de la crise ?

Comme de nombreuses collectivités, nous étions dans un contexte défavorable à la mise en place du télétravail avant la crise sanitaire. D'un point du vue pratique, nous avons dû commander des ordinateurs dans l'urgence, au niveau de la gestion, cela m'a conforté dans mon management basé sur la confiance et l'autonomie. Nous avons fonctionné en « mode projet » en veillant à ce que l'information circule et en évitant l'isolement.

Cette crise a mis en avant la résilience de nos structures ; non seulement nous avons continué à fonctionner mais nous avons également été capables de nous adapter et d'innover. Nous avons dû repenser notre rapport aux usagers et aux élus en gardant en tête que chaque problème a sa solution en assumant le droit à l'erreur et à l'expérimentation.

Par ailleurs, j'ai été étonnée par l'importance de l'ouverture des déchetteries pour nos habitants lors du premier confinement, c'est un sujet qui s'est avéré ultra-sensible pour nos élus.

Parmi les enseignements, le management du télétravail a été pour ma part une prolongation de mon management « classique » basé sur l'humain et sur leurs émotions que je pratiquais déjà mais sans l'hybridation présentiel/distanciel que je souhaiterais désormais mettre en place à condition de définir très clairement les objectifs et d'organiser des temps collectifs d'échanges. Tout cela en se dotant d'une charte co-construite avec les agents et en redéfinissant les processus RH et de formation pour l'avenir.

 

À quoi ressemblera la/le DG de demain ?

Elle/il devra développer son « intelligence émotionnelle » pour être agile, dans la collaboration et savoir dialoguer et fonctionner avec toutes les parties prenantes au même niveau pour responsabiliser les collaboratrices et collaborateurs plutôt que de les superviser. Aussi, il faudra être curieux d'apprendre car le monde bouge vite et développer une capacité constante à avoir une vue d'ensemble en étant visionnaire et précis.

Pour finir, j'ajouterais qu'à nos postes, il faut savoir être humble, écouter et apprendre des autres car même si notre titre nous confère le rôle de « chef », il faut garder en tête qu'on a besoin des autres pour faire et faire-faire.

[12/05/2021]