« Un État fort pour des territoires forts »


Un grand cru ? Un millésime ? Une cuvée d'exception ? À chaud, difficile de bien filer la métaphore viticole pour qualifier, ou plutôt pour apprécier à leur juste valeur les Universités d'été des directeurs généraux des communautés et métropoles qui se sont déroulées les 6, 7 & 8 juillet 2022 à Deauville. Car, tant du point de vue de l'organisation, de la participation - 350 congressistes recensés­ - que du contenu, cette quatorzième édition restera dans les annales de notre Association.

Un partenaire particulier - l'État - à la recherche de partenaires particulières - les intercommunalités - pour territorialiser ses politiques : tel était, rappelons-le, l'« accroche » de ces Universités d'été. Car si les intercommunalités ont été initialement conçues pour résoudre le problème de l'émiettement communal, elles apparaissent de plus en plus comme les instruments privilégiés de l'atterrissage et de la mise en cohérence locale des politiques nationales ; et si les communautés et métropoles sont prêtes à assumer cette responsabilité, leur rôle ne peut être réduit à celui de simple « prestataire ». C'est, du moins, le point de vue porté par l'ADGCF.

Alors, que retenir de ces trois jours de débats ? Bien sûr, la présence de l'ancien Premier ministre, Édouard Philippe, lors de l'ouverture de nos rencontres et les échanges à bâtons rompus autour de la nécessaire réforme du Sénat, de l'opérationnalité du concept de « différenciation » et des mutations du modèle intercommunal impulsées par l'État. Quelle rampe de lancement pour les Universités d'été de l'ADGCF ! Nous voudrions tout particulièrement dans ces colonnes revenir sur une notion développée par le politiste Patrick Le Galès et qui a particulièrement stimulé l'assemblée, celle du déclin contemporain de l'énergie unificatrice de l'État. Certes, l'économiste Laurent Davezies a brillamment rappelé que l'État n'a pas abandonné les territoires, qu'il les protège toujours en créant des emplois, en générant de la dépense publique et en maintenant d'importants mécanismes de redistribution. Certes, le sociologue Renaud Epstein a décrypté la logique des appels à projets et du processus d'agencification qui sous-tend le mode opératoire priorisé par l'État sur les territoires. Certes, le géographe Philippe Estèbe est revenu sur les faiblesses du CRTE, notamment l'absence de financement idoine et pluriannuel, mais il a aussi souligné la plus-value du dispositif, celle de constituer un ensemblier des politiques contractuelles…

Mais force est de le constater : l'énergie unificatrice de l'État, qui se manifestait autrefois par des politiques ambitieuses de réduction des inégalités sociales, qui était portée par des projets d'intégration des populations et des territoires a perdu de sa vigueur. C'est un truisme aujourd'hui que de dire que l'État apparaît de plus en plus fragmenté, à l'instar d'une politique d'aménagement de notre pays qui a peu à peu été remplacée par des politiques de soutien aux différentes catégories de territoire… Surtout, et c'est bien là le problème, ces bouleversements structurels éloignent de plus en plus l'État d'une société qui semble, de fait, de moins en moins lisible et unifiée.

In fine, c'est peut-être à l'aune de ces dynamiques de création / destruction de l'État qu'il nous faut aujourd'hui réinventer, voire réenchanter le modèle de l'intercommunalité. Disons-le autrement : parce qu'elles coordonnent et territorialisent l'ensemble des politiques publiques produites par les niveaux infra - la commune - et supra - l'État—, parce qu'elles concentrent l'essentiel des leviers en matière de lutte contre le changement climatique - désormais référentiel « total » de l'action publique—, les communautés et métropoles produisent et déploient localement l'énergie unificatrice qui demeurait donc, historiquement, l'apanage de l'État. Pour autant, ne l'oublions pas trop vite : l'État occupe une place toujours centrale dans notre société ; les crises qui s'enchaînent contribuent largement à accélérer sa recomposition et la nature de ses liens avec les différents échelons de collectivités sans pourtant remettre en cause un principe essentiel pour l'ADGCF : il n'y a pas de territoires forts sans un État fort.

Cher(e)s collègues, cher(e)s ami(e)s, nous vous donnons rendez-vous à Morzine les 5, 6 & 7 juillet 2023 pour poursuivre collectivement notre réflexion sur les mutations et les défis qui traversent nos intercommunalités !

 

Florence CORNIER-PICOTIN, secrétaire générale adjointe de l'ADGCF
Marc BOURHIS, vice-président de l'ADGCF

[13/07/2022]