Politiser l'intercommunalité ? Le cas des élections locales de 2020 - Le nouvel ouvrage de Rémi Lefevre et Sébastien Vignon

Cet ouvrage s'inscrit dans le prolongement des travaux réalisés depuis 20 ans sur la place des enjeux intercommunaux dans les campagnes municipales. Ces études montraient que l'intercommunalité se distinguait par sa relative discrétion électorale. Dans cet ouvrage publié dans le cadre du Collectif de recherche sur les élections municipales et intercommunales (CREMI), la focale est élargie par rapport aux recherches précédentes. Sont par exemple interrogés le degré de connaissances des citoyens à l'égard de l'intercommunalité ou encore la place des mandats intercommunaux dans la hiérarchie des titres politiques.


Politiser l’intercommunalité ?

Les ambitions initiales de l'ouvrage

Cet ouvrage s'inscrit dans le prolongement des travaux réalisés depuis 20 ans sur la place des enjeux intercommunaux dans les campagnes municipales. Ces études montraient que l'intercommunalité se distinguait par sa relative discrétion électorale. Dans cet ouvrage publié dans le cadre du Collectif de recherche sur les élections municipales et intercommunales (CREMI), la focale est élargie par rapport aux recherches précédentes. Sont par exemple interrogés le degré de connaissances des citoyens à l'égard de l'intercommunalité ou encore la place des mandats intercommunaux dans la hiérarchie des titres politiques. Les contributions – une dizaine – reposent sur des enquêtes multisites (un territoire rural de montagne, Amiens, Avignon, Grenoble, La Rochelle, Lille, Lyon, Rennes, Strasbourg, Toulouse) et une pluralité de méthodes empiriques : dépouillement de la presse locale, analyse de l'offre électorale et des blogs de campagne, entretiens avec des candidats et des électeurs, passation de questionnaires auprès de citoyens, exploitation de données statistiques du Répertoire national des élus etc.

Les principaux enseignements 

Le scrutin de 2020 ne conduit pas à une politisation beaucoup plus forte des thématiques intercommunales. Néanmoins quelques tendances nouvelles et timides ferments de politisation de l'enjeu intercommunal sont repérables.

D'abord, la presse a accordé un intérêt plus marqué aux élections et intercommunales même si son attention est restée largement centrée sur l'arène municipale. Elle a évoqué souvent un scrutin « décisif » mais peu publicisé, les journalistes s'instituant en garants de sa visibilité minimale. La conquête des exécutifs métropolitains et communautaires, à l'occasion du « troisième tour » des municipales, est apparue plus précocement qu'en 2008 et 2014. Les prétendants à la mairie de la ville-centre se trouvaient interrogés par les journalistes sur leurs intentions par rapport à l'intercommunalité et donc plus contraints d'avoir une stratégie sur le fait « d'y aller ou pas ».

Ensuite, l'intercommunalité comme échelle d'action publique privilégiée, s'est invitée plus directement dans la campagne lorsqu'étaient abordées des thématiques qui ne peuvent se réaliser qu'à l'échelle intercommunale : gestion de l'eau, collecte des déchets, ou encore les transports collectifs. L'effet n'est pas bien sûr mécanique : de nombreux candidats ont proposé la gratuité des transports publics sans jamais affirmer que celle-ci relève d'une décision intercommunale.  

Enfin, on observe une politisation de l'enjeu intercommunal par des acteurs de « la société civile », des collectifs citoyens ou des listes « citoyennes » qui se sont multipliées lors de ces élections municipales. Si les listes participatives s'intéressent à l'enjeu intercommunal, leur approche n'est cependant pas univoque.

Si les compétences stratégiques des intercommunalités semblent légèrement plus présentes dans les débats que lors des campagnes municipales précédentes, si des acteurs (associatifs, intellectuels, médiatiques, économiques…) « éclairés » ou décillés se saisissent de cette question, la politisation de ces enjeux reste faible.

Les perspectives pour la recherche

Bien que renforcées par la loi NOTRe, les institutions intercommunales demeureront encore à l'issue de la campagne électorale un échelon d'action publique peu visible pour les citoyens et peu discuté. Les campagnes électorales municipales de 2020 n'ont effectivement pas produit les conditions d'un débat démocratique inédit sur l'intercommunalité. Il y a bien « dépolitisation » de l'intercommunalité si on entend par là pour reprendre la politiste Cécile Robert « des modes de traitement – discursifs et/ou institutionnels – qui en contournent la mise en débat démocratique en tant que choix de société ». Continuent ainsi à s'institutionnaliser et à se fabriquer ce qu'on peut appeler à la suite d'Emmanuel Henry des formes de « non-problème ».

[21/03/2023]