« Lyon : la métropole de demain ne se fera pas avec les communes de l'ancien régime ! »


Interview de Damien Monnier

Damien Monnier est enseignant-chercheur en droit public auprès de la Faculté de droit de l'Université Catholique de Lyon, mais également adjoint au maire de la commune de Sathonay-Camp., commune membre du Grand Lyon.

Fort de cette double expérience, il nous livre son regard sur la métropole lyonnaise et ses rapports avec l'institution communale. Institution à part du paysage métropolitain français, pour l'universitaire, la Métropole demeure intimement liée à l'institution communale, mais ces dernières ne pourront demeurer éternellement dans leur forme actuelle.

 

La Métropole lyonnaise est souvent considérée comme une institution particulièrement intégrée. Son changement de statut depuis le 1er janvier 2015 révèle-t-il ou provoque-t-il un changement de mentalité ?

Oui, historiquement l'agglomération lyonnaise jouit d'une réputation d'intercommunalité intégrée, et sans doute l'histoire plaide en ce sens. D'abord, communauté urbaine en 1978, elle est désormais une collectivité territoriale sui generis depuis 2015. 

Mais, je pense que les éventuels changements de « mentalité » apportés par la loi MAPTAM appellent une réponse en deux temps, laquelle est forcément nuancée et témoigne de la complexité de ce qui se joue.

D'une part, la lecture du chapitre de la loi consacré à la métropole lyonnaise laisse effectivement penser que la métropole est cette fois-ci belle et bien autonome à l'égard de ses communes membres. Qu'il s'agisse de ses compétences, de son organisation, des moyens dont elle dispose, et surtout du surplus de légitimité dont elle bénéficiera à l'occasion des prochains scrutins; l'ensemble de ces éléments plaident pour l'affirmation autonome de la Métropole.

Et d'autre part, indépendamment de la loi MAPTAM, il y a un mode de gouvernance de la Métropole qui vient tempérer les transformations dont la loi MAPTAM est pourtant l'incarnation. Ainsi, à Lyon comme dans la majorité des autres métropoles il y a ces institutions aux côtés des institutions communautaires traditionnelles et qui visent à légitimer les grandes orientations stratégiques par l'approbation de l'ensemble des maires du territoire. À Lyon, il s'agit de la conférence métropolitaine des maires. Et même si le leadership de Gérard Collomb est bien connu, l'importance politique accordée à cette instance témoigne d'une évolution à petits pas des mentalités…

 

Justement, qu'en est-il de la commune? Quelle rôle joue t'elle dans la construction de l'espace métropolitain?       

L'institution communale n'apparaît pas, pour l'instant, en voie de totale disparition. Non seulement, les communes exercent pleinement leurs jeux d'influence via la conférence métropolitaine; et l'adoption du Pacte métropolitain le 10 décembre 2015 en Conseil métropolitain, après l'approbation des 59 communes de la Métropoles, en porte témoignage. Mais aussi, et il me semble que c'est l'un des éléments majeurs, les 21 propositions annoncées dans le Pacte amènent les communes et la Métropole a travailler collectivement dans le regroupement de certaines compétences comme l'action sociales, les programmes culturels et/ou sportifs, etc

Même si la puissance de la Métropole est incontestable la référence à la commune compte encore!

 

On constate ainsi l'existence de 9 Conférence territoriale des maires regroupant plusieurs  communes sur le territoire du Grand Lyon. Que signifie cette organisation?

Effectivement, le territoire de la Métropole de Lyon est découpé en neuf « grands bassins » et constituent, je crois, l'embryon d'un support territorialisé de l'action métropolitaine.

Il témoigne à mon sens d'une double justification qui mérite d'ailleurs d'être replacée dans les débats actuels autour de la commune nouvelle. Il y invariablement, cet attachement culturel à une sacro-sainte proximité géographique et qui demeure encore aujourd'hui un référentiel de l'action locale. Mais je crois surtout que cette forme d'organisation témoigne d'une stratégie plutôt habile visant à sortir des logiques « de clochers » tout en préservant l'idéal communal. Comment ne pas voir dans ces neuf territoires du Grand Lyon, neuf potentielles communes nouvelles…? La réflexion autour des commues nouvelles est actuellement très intense sur le territoire lyonnais, même si pour l'instant elle peine à se réaliser. Et au delà des préoccupations financières des élus locaux, le découpage en neuf territoires est régulièrement invoqué comme un cadre d'opportunités afin de constituer des communes nouvelles. Il apparaît ainsi de manière faussement dissimulé que la Métropole ne peut se faire sans la commune… à une remarque près: la métropole de demain ne fera pas avec les communes d'avant!

[25/01/2016]