Maître de conférences à l'Université de Grenoble, Sophie Louargant évoque les modalités de prise en compte du « genre » dans l'observation des dynamiques territoriales.


Interview de Sophie Louargant

« Observer les territoires avec les genres »

Les inégalités femmes-hommes présentent dans les sociétés contemporaines se posent actuellement de manière prégnante au regard de la persistance d'écarts. En 2015, 100% des femmes déclarent avoir subi des violences dans les transports en commun [1] tandis que 70% des franciliennes se sentent en insécurité dans leur environnement [2]. Dans le même temps,  95% des espaces publics dédiés aux pratiques sportives urbaines, tels les équipements de skate parcs sont occupés par des garçons [3].

« Une timide reconnaissance »

Seulement 6 % des 63 500 rues françaises portent des noms de personnalités féminines [4]. Du point de vue de la représentativité politique, si l'on note une progression en France lors des législatives de 2017, avec 38,7 % de députées (contre 26,9%en 2012), ou lors du vote au niveau du parlement Européen (45,9% de députées pour le France), la représentativité départementale, locale et intercommunale donne à voir un rôle privilégié pour les élues celui de « vice-présidente »  (9,9% de présidentes Conseils Départementaux, 7,5% des président.e.s d'EPCI , pour les communes de 1000 habitant.e. femmes maires est de 12,9% en 2015 [i]. Ces constats montrent la timide reconnaissance du rôle des femmes dans le domaine de l'emploi, de la politique, de la fabrique de la ville et des territoires, pointe les résistances culturelles quant à la prise en compte de leur émancipation effective, de leurs compétences et de leurs présences. Or, les recherches et les expertises donnent à voir la construction sociale, politique et culturelle de ces inégalités, ayant comme effet direct de remettre en question les droits des femmes. Penser et observer les territoires avec le genre, n'est donc plus l'objet d'une confidentialité d'une communauté d'initiés. Actuellement, le cadre législatif, des démarches d'observation et des outils sont déployés par des autorités publiques en lien avec des expertes de l'égalité femmes-hommes. Les collectivités territoriales sont d'autant plus concernées au regard du rapport sur la situation en matière d'égalité entre les femmes et les hommes [5], tout comme les entreprises avec l'obligation de donner à voir l'index de l'égalité femmes-hommes.

« Une pédagogie éducative »

L'ensemble de ces constats, prônent également la prise en considération de ces éléments, souvent passés sous silence, dans la production de la métropole et dans les professions du champ de l'aménagement, de l'urbanisme et des transports. Dans un contexte où les métropoles sont amenées à penser aussi bien la mobilité que l'immobilité des individus, il paraît opportun de développer des formes de participation et de pédagogie éducative à la mobilité pour les femmes dès l'enfance. En effet, l'égalité entre les femmes et les hommes constitue à la fois un levier de cohésion sociale, un atout pour le développement de notre société et des territoires.

« Un enjeu d'égalité »

Avec le développement des formations universitaires incluant les questions d'égalité femmes-hommes en formation initiale et en formation continue, les étudiant.e.s, futurs professionnels des collectivités territoriales pourront accéder à l'acquisition de ces compétences dans ce domaine. De plus, avec l'adoption de la loi n°2018-771 du 5 septembre 2018 “Pour la liberté de choisir son avenir professionnel”, cet enjeu d'égalité trouve un cadre de déploiement favorable, notamment dans le champ de l'activité professionnelle, tant sur le plan des ressources humaines et de leur gestion que sur celui des fonctions nouvelles, encore en émergence, visant sa réalisation concrète dans l'ensemble des activités socio-économiques ».

Retrouvez le Manifeste de l'ADGCF pour l'égalité Hommes-Femmes dans les directions d'intercommunalité

* Ces éléments sont débattus dans l'actualité avec la sortie de deux ouvrages sur le sujet.
Louargant Sophie (dir.), 2019, Espace public : quelle reconnaissance pour les femmes ? UGA Éditions, 140 p., Carrefours des Idées.
Louargant Sophie (dir.), 2019, Mobilités : toutes et tous égaux?, UGA Éditions, 112 p., Carrefours des Idées.

[1] Haut conseil à l'égalité entre les femmes et les hommes, Avis sur le harcèlement sexiste et violences sexuelles dans les transports en commun : le rapport du HCEfh, 2015, 36 p. Consultable en ligne : http://www.haut-conseil-egalite.gouv.fr/violences-de-genre/travaux-du-hcefh/article/avis-relatif-au-harcelement [consulté le 21/06/2018]

[2] H. Heurtel, A. Sylla, S. Scherer, enquête victimisation et sentiment d'insécurité: les spécificités de genre, Note rapide n° 722, Juin 2016. Consultable en ligne : https://www.iau-idf.fr/fileadmin/NewEtudes/Etude_1245/NR_722_web.pdf

[3] Voir Y,Raibaud. Sexe et couleur des skates parcs et des cités stades. Ville école intégration, n° 168, 2012,  p.173-182.

[4] Soroptimist, Alerte Média : 6% des rues rendent hommage à des femmes, 2014 Consultable en ligne : https://union.soroptimist.fr/uploads/union/mcfile/Doc_2014/NOMS_de_RUES_vd-1.pdf

[5] Décret n° 2015-761 du 24 juin 2015 relatif au rapport sur la situation en matière d'égalité entre les femmes et les hommes au intéressant les collectivités territoriales JORF n°0148 du 28 juin 2015. https://www.legifrance.gouv.fr/eli/decret/2015/6/24/RDFB1510068D/jo/texte

Pour aller plus loin :
le Diplôme Universitaire Égalité Femmes-Hommes, Université Grenoble Alpes

L'objectif principal de la formation est de proposer d'acquérir des compétences de gestion de projet dans le domaine de la promotion de l'égalité femmes-hommes et de la lutte contre les discriminations. La formation s'adresse en priorité à un public de formation continue ayant un niveau Bac + 3 minimum (toute discipline universitaire acceptée, diplôme d'État de niveau 2 du secteur sociale et sanitaire) intéressé par la mise en place d'actions, de formations, de projets, visant la promotion de l'égalité femmes-hommes et la lutte contre les discriminations de genre. La formation s'adresse à tous les territoires et à tout public empêché. La durée de formation est de 10 mois (décembre-septembre, organisée sur un rythme de 3 jours consécutifs par mois). Elle comprend 141 h d'enseignement et 105h de stage, 12 Unités d'Enseignement (UE) dans le champ des sciences politiques et territoriales, des sciences humaines et sociales, des sciences de l'éducation, il est également possible de se former "à la carte" : inscription à partir de 1 UE.  L'insertion professionnelle se réalise dans les domaines et structures suivantes :

  • la formation et l'enseignement (conseillères d'éducation, personnel éducation nationale) ;
  • les collectivités territoriales, organismes publics, fédérations culturelles,  sportives et associations Délégataires ; l'insertion sociale et professionnelle, l'orientation, le travail social (travail social), coordinateurs d'action sociale ;
  • les entreprises (ressources humaines);
  • les associations de lutte contre les discriminations et les violences faites aux femmes.

Le DU Égalité Femmes-Hommes, est porté par le Département Carrières Sociales, IUT2 en partenariat avec Sciences Po, Grenoble[1].

[1] En attente de la validation par la Commission de la Formation et de la Vie Universitaire de l'Université Grenoble Alpes du 4 juillet 2019, et de la validation par le vote du  CA de l'IEP.
http://www.haut-conseil-egalite.gouv.fr/parite/reperes-statistiques/

[03/06/2019]