Interview de Fred Vielet, DGS de la CACEM – Communauté d'agglomération Centre Martinique – 4 communes 165 000 habitants


Fred Vielet

Quelles sont les principales étapes de votre parcours ?

Après une maîtrise en droit public, un DEA en droit du développement et un DESS administration et gestion des collectivités locales, je suis devenu directeur financier de la ville de Fort-de-France (87 000 habitants) où j'étais chargé de mettre en œuvre les dispositions des nombreuses lois de décentralisation des années 80 et 90 et d'élaborer un  plan de redressement des finances municipales. En 1991, j'ai été nommé DGS de la commune du Lamentin (40 000 habitants) où j'ai travaillé sur 3 axes prioritaires : le projet d'administration de la ville, un programme de développement intégré du centre-ville et l'appui à des actions de coopération décentralisée. Avec 650 agents et 76 millions d'euros à gérer, ce poste m'a permis de développer une stratégie de management transversal basée sur le besoin croissant de décloisonnement des organisations. Le défi du manager est de diriger un ensemble dont les membres ont des objectifs et des besoins différents, voire contradictoires. L'enjeu était de conduire chacun à s'impliquer dans la réussite de la mission.

En 2006, j'ai intégré la communauté d'agglomération de l'Espace Sud (110 000 habitants) en qualité de DGS. Je suis également devenu administrateur à cette époque. Cette première expérience intercommunale a été riche en enseignements : conduite d'un projet politique fédérateur, mutualisation des moyens et des services et développement territorial. Dès mon arrivée, j'ai mis en place un plan stratégique de redynamisation du territoire qui a favorisé l'implantation de nombreuses entreprises. L'enjeu était de compléter les atouts qui composaient l'attractivité du territoire qui, historiquement, était centré sur le développement touristique.

Je suis actuellement DGS de la CACEM qui compte 430 agents répartis dans 60 services dépendant de 15 directions avec un budget de 220 millions d'euros et je viens tout juste d'être nommé Administrateur Général.

Lors de mon arrivée en 2009, mon chantier prioritaire a été l'élaboration d'un plan stratégique d'administration avec le souci permanent de favoriser le « vivre ensemble ». Parallèlement, j'ai mené de nombreuses actions de coopération décentralisée avec Haïti comprenant la mise en place d'une structure intercommunale expérimentale. Actuellement, nous développons une feuille de route politico-stratégique qui favorisera la co-production entre les élus et la société civile.

 

Quel projet professionnel vous a particulièrement marqué ?

J'en ai plusieurs. Au Lamentin, la déclinaison du projet de ville en projet « d'entreprise » a été passionnante. Pendant 3 ans, nous avons travaillé à travers un comité d'animation composé d'élus, de membres de la direction et de partenaires sociaux à la mise en place de projets transversaux avec 3 leviers de développement : formation, communication et performance. Les projets de services qui s'entrecroisaient étaient clairement la traduction de la commande politique qui avait été faite.

J'ai également été marqué par les actions de coopération que nous avons menées avec l'Amérique latine et les Caraïbes qui m'ont permis de renouer avec ma formation initiale. En effet, les différentes actions conduites au Brésil, au Chili et en Haïti ont fait travailler ensemble des européens, des américains et des caribéens sur des problématiques de sécurité et de budget participatif adapté à la jeunesse. De plus, comme je le disais précédemment, l'appui à la création de la première structure intercommunale haïtienne, qui a demandé 11 missions d'interventions avec des coopérants canadiens et néerlandais, a profondément marqué ma trajectoire professionnelle.

Le 3ème projet marquant a été le développement des actions de « bien vivre ensemble » dans notre communauté sous le signe de la cohésion, de l'esprit d'équipe et développement du sentiment d'appartenance et des principes "sociaux " du développement durable.

L'idée était de développer ce que j'appelle un « management durable » dans l'esthétique. Dans l'esthétique car nous sommes bien dans l'esthétique de la relation, dans la convivialité autour de la musique, du sport et du théâtre. Ainsi, l'association « An Tché Muzik » ou au Cœur de la musique fédère nos 4 communes membres autour d'animations musicales. Ce groupe musical de la CACEM se produit avec succès pour des événements de l'agglo, à la demande du CNFPT, pour la ville de Fort-de-France et même un syndicat de communes. Je suis le percussionniste de ce groupe interservices qui compte également quelques musiciens des communes membres.

Concernant le sport, nous avons participé à un challenge national qui réunissait les associations, la communauté et les communes pour promouvoir la pratique du sport auprès de chaque direction. Enfin, pour le théâtre, nous demandons à chaque DGA de choisir un thème autour d'une compétence ou d'un sujet d'actualité qui donne lieu à une battle, une compétition, entre les services pendant le Carnaval. Ces actions nous permettent de favoriser le vivre ensemble autour de pratiques culturelles et sportives et de les promouvoir auprès de la population.

 

Quel est votre dossier d'actualité ?

L'élaboration et la mise en place des politiques publiques au XXIème siècle. La priorité est la co-production associant l'administration et les acteurs du territoire. Pour moi, c'est un défi que nous devons tous relever aujourd'hui car la défiance de nos concitoyens face à la classe politique nous pousse à faire preuve de pédagogie et d'innovation dans la mise en place des nos actions. Ajoutant à cela le contexte budgétaire contraint, notre président Athanase Jeanne-Rose, nous a demandé de mettre en place des outils de collaboration avec la société civile afin de hiérarchiser les politiques tout en les rendant plus désirables et plus désirées. Avec une approche pragmatique : l'administration a l'expertise technique et la société civile, l'expertise de l'usage. Pour ce faire, je me suis appuyé sur mon conseil de développement, qui fonctionne très bien. Les pistes de travail en commun sont sur tous les chantiers importants : projet de territoire, impact financier et fiscal avec un volet solidarité, schéma de mutualisation et prise de nouvelles compétences.

L'autre dossier d'actualité est le transfert de la compétence Transport à l'AOUM (Autorité Organisatrice Unique des Mobilites ) qui est un sujet extrêmement important sur notre territoire. Mais ce dernier reste très compliqué car éminemment politique…

 

Qu'est-ce que vous apporte l'ADGCF ?

En tant que délégué régional, je tiens d'abord à souligner le succès des 1ères rencontres des DG ultramarins qui ont eu lieu les 24 et 25 novembre derniers. Ces journées de formation technique nous ont permis de réunir près de 50 cadres intercommunaux de Guadeloupe, de Guyane et de Martinique. Cette expérience a déjà permis la mise en réseau des DG caribéens qui peuvent désormais échanger sur les problématiques spécifiques à leurs territoires.

L'association est pour moi un aiguillon technique : la plateforme et les publications me permettent de rester au fait de l'actualité intercommunale tout en profitant d'un lieu d'échanges et de mutualisation des expériences. Le lien avec les universités est également très important, il nous permet d'être associés au travaux des chercheurs mais également de promouvoir le fait intercommunal.

Pour finir, je souhaiterais souligner que l'éloignement est compliqué à gérer pour les DG ultramarins et notre association nous permet de prendre le pouls de ce qui se passe sur le terrain en France hexagonale et de pouvoir comparer, argumenter et étayer nos propositions auprès de nos élus et légitimer l'intercommunalité dans notre paysage institutionnel.

[26/12/2016]