« Il ne faut pas hésiter à enfoncer des portes »

Emmanuel FEVRE
Communauté d'agglomération du Pays de Gex
Ain – 93 000 habitants – 27 communes


Interview de Emmanuel FEVRE

Quel a été votre parcours professionnel ?

J'ai un parcours professionnel atypique : comme je le dis souvent je ne suis pas né directeur général des services (DGS), on ne né pas DGS, on le devient au gré de ses expériences et des opportunités. J'ai débuté ma carrière au sein de la Gendarmerie Nationale en 1994 en tant qu'officier pendant une quinzaine d'années sur des postes opérationnels puis en administration centrale.

Après près de 20 ans passés dans cette institution militaire, j'ai terminé ma carrière en tant que commandant de la compagnie de gendarmerie départementale de Gex.

En 2014, j'ai eu l'opportunité de devenir directeur de cabinet du président de la Communauté de communes du Pays de Gex, j'ai donc demandé un congé sans solde

Ensuite, j'ai été nommé adjoint au DGS de cette même Communauté de communes en 2016. Puis suite au départ prématuré du DGS, j'ai assuré son poste par intérim pendant plusieurs mois. En 2017, j'ai été officiellement nommé DGS de la Communauté de communes du Pays de Gex après avoir successivement obtenu un détachement au sein de la FPT puis mon intégration.

Riche de mon expérience en gendarmerie nationale notamment en administration centrale, j'ai tout de même dû bénéficier d'un accompagnement sur l'aspect théorique de la culture territoriale afin de compléter mes compétences en management. De ce fait, afin de compléter également ma formation « terrain », j'ai suivi un cycle de formation à l'Institut des Hautes Études de l'Aménagement des Territoires (IHEDATE) en 2016. Puis en 2017, j'ai intégré l'Institut National des Études Territoriales (INET) pour un cycle de direction générale.

Aujourd'hui fonctionnaire territorial, mon parcours professionnel est un bel exemple des possibilités de mobilité dans la fonction publique. Même si cela n'est pas évident, il ne faut pas hésiter à « enfoncer des portes » et « ouvrir ses chakras » ainsi la mobilité peut-être à portée de main.

Le périmètre du Pays de Gex est semblable à celui sur lequel je travaillais auparavant ; c'est un territoire que je connais parfaitement et je suis convaincu de son potentiel immense. Aujourd'hui, je suis DGS de la Communauté d'agglomération du Pays de Gex et j'estime que ce poste constitue une suite logique à ma carrière car le travail de contact qu'effectue un cadre supérieur de la gendarmerie nationale au profit d'un territoire est très voisin de celui du DGS.

 

Quel projet a particulièrement marqué votre carrière ?

Il y a essentiellement un projet qui a marqué ma carrière : c'est l'évolution du Pays de Gex en Communauté d'agglomération. J'ai été à la manœuvre dans ce changement de statut pour lequel les élus m'ont laissé une grande autonomie. C'est un projet que j'ai donc pu piloter dans sa globalité et ce fut un véritable challenge, un parcours jonché d'embuches. Généralement, le passage de Communauté de communes à Communauté d'agglomération est réalisé suite à l'acquisition de nouvelles compétences. Cependant, globalement la communauté de communes exerçait déjà toutes les compétences d'une Communauté d'agglomération. Les conditions étant réunies et sans avoir à accompagner une évolution du périmètre, le challenge ici était donc d'accompagner les élus dans cette évolution, et surtout de renforcer les relations entre les communes et leur intercommunalité. Toutes les actions ont ainsi été menées vers la recherche de cohésion et de sens afin que le Pays de Gex devienne sereinement une Communauté d'agglomération au 1er janvier dernier.

 

Quel est votre sujet d'actualité ?

Le sujet d'actualité de l'intercommunalité s'inscrit dans la continuité de l'évolution récente en communauté d'agglo. Il faut transformer l'essai et sortir de la dynamique liée à l'évolution pour inscrire les choses dans la durée afin qu'une réelle complémentarité s'instaure entre les communes et leur intercommunalité. C'est le fil rouge qui me guide depuis mon entrée dans la territoriale. La phase d'évolution du statut étant achevée, de nouvelles questions restent posées : Comment donner encore plus de sens à cette nouvelle Communauté d'agglomération et faire en sorte que chacun y trouve sa place ? Qu'est-ce que les communes attendent de leur intercommunalité ? Qu'est-ce que les habitants attendent de leur intercommunalité ?

L'intercommunalité est un outil de synthèse, de construction et le DGS se doit de proposer toutes les solutions envisageables afin de donner du sens à ce formidable outil qui doit d'abord servir son territoire et ses habitants.

Aujourd'hui, ma mission est de proposer de manière subtile des outils adaptés afin que les élus, actuels ou futurs, puissent prendre la main et que les communes et l'intercommunalité travaillent main dans la main. En tant que DGS, j'ai la responsabilité  du devenir de cette intercommunalité. Je dois fédérer, animer et organiser les équipes tel un chef d'orchestre pour produire du service public de qualité.

Par ailleurs, le caractère transfrontalier du Pays de Gex, par sa proximité avec la Suisse nous offre un avantage majeur : c'est le développement hors normes du territoire. Cependant, du fait de l'attractivité du marché de l'emploi chez nos voisins, nous rencontrons de grandes difficultés en matière de recrutement. Nous avons donc constitué, avec mon équipe de direction et mes collègues en responsabilité au sein des communes, un collectif territorial. Les premières réunions permettaient simplement d'échanger sur l'actualité de l'intercommunalité. Elles ont permis d'apprendre à mieux se connaitre et à se faire confiance puis ont  mené au fil des réunions à une réelle volonté de co-construire. C'est pourquoi, accompagné d'un bureau d'études, ce  collectif territorial a lancé des travaux thématiques quant à la gestion prévisionnelle RH à l'échelle du territoire. Portés par les techniciens, les ateliers permettent aujourd'hui de dégager des pistes en perspective d'une administration locale et notamment d'une structure de recrutement unifiée qui devra cependant être validée politiquement.

Je pense que c'est une démarche qui nous distingue des autres territoires de l'Ain mais qui s'explique aussi par notre éloignement des centres de décisions locaux

 

Que vous apporte l'ADGCF ?

Énormément de choses. J'ai adhéré à l'ADGCF dès mon arrivée à la Communauté de Communes du Pays de Gex. Je considère qu'on ne peut pas fonctionner sans réseau. J'ai besoin de m'appuyer sur l'expérience de mes collègues et il est de mon devoir de contribuer aux travaux et aux réflexions de notre association afin de leur rendre la pareille.

Je compare souvent le DGS à un « moine-soldat ». Dans mon ancien métier, on parle de « la solitude du chef », qui travaille avec son équipe mais qui assume seul la décision finale et ses conséquences. Le cas du DGS est similaire. En effet, même si le projet doit être construit collectivement, il appartient au DGS d'assumer seul la responsabilité de sa mise en œuvre face aux élus. C'est une condition indispensable pour que l'administration dont il a la charge puisse fonctionner sereinement. Quand on est dans cet état d'esprit, c'est aussi bon de s'exprimer, de diffuser et de partager, notamment avec des personnes qui vivent la même chose.

Á l'ADGCF, je reçois un soutien et un appui naturel, dans la convivialité et avec bienveillance.

Ici, j'ai la possibilité d'assister à des conférences de qualité, de porter une réflexion, d'échanger en terrain libre sans contrainte et de confronter mon point de vue sans avoir à rendre des comptes. Repartir au sein de mon intercommunalité riche de ce type d'échanges accentue ma légitimité.

Par ailleurs, les publications de l'association sont une base de travail au quotidien, que je partage avec mes proches collaborateurs mais également avec les élus en faisant preuve de pédagogie.

Les Universités d'été sont également un très bon moyen de prendre de la hauteur.

Je ne trouve que du positif à cette association qui offre une réelle plus-value collective à nos réflexions individuelles, nous accompagne dans notre parcours professionnel et prend une place légitime dans le cadre institutionnel élargi des réflexions relatives à l'organisation territoriale et au devenir de la FPT.

[10/10/2019]