Doctorant à l'Université de Grenoble (UMR Pacte), Yoann Morin passe au crible de l'analyse scientifique les collaborations entre recherche et collectivités territoriales. Retour d'enquête.


Interview de Yoann Morin

Votre travail montre combien la notion d' « innovation » irrigue l'action publique territoriale. Quels sont les ressorts de cette diffusion sémantique ?

Les résultats de l'enquête que j'ai menée auprès des intercommunalités et des pays (340 réponses) montre en effet que la notion d'innovation est considérée comme : une injonction à laquelle s'adapter, une composante à intégrer, une notion floue à dépasser… Malgré ces différences de postures, l'innovation est fortement intégrée par les professionnels interrogés puisque 73% d'entre eux se considèrent tenus d'innover de manière continuelle ou régulière. Ces démarches d'innovation se traduisent principalement par des besoins en termes de renouvellement des méthodes et connaissances thématiques, liées directement aux compétences des collectivités. Dans 67% des cas, les personnes interrogées indiquent également avoir besoin d'apports conceptuels et théoriques. La recherche pourrait ainsi apparaitre comme un interlocuteur naturel dans la prise en compte de ces besoins.

 

Pourtant, vos résultats montrent que la recherche est une ressource faiblement mobilisée sur les territoires.

 Même si 51% des professionnels indiquent devoir parfois renoncer à ces dynamiques d'innovation par manque de moyens et d'ingénierie, l'université (recherche et formation), n'est identifiée comme ressource et partenaire potentiel que dans 36% des cas. Pour aller plus loin, notons que seulement 31% des personnes ont, elles directement ou leur collectivité, déjà collaboré avec la recherche. Enfin, si 47% se disent en demande de liens plus affirmés vis-à-vis du monde académique, 53% indiquent être sans besoin spécifique à lui adresser. Cette absence de collaboration est justifiée par les différences de temporalités ressenties par les techniciens territoriaux, entre temps de la recherche et temps de la décision et de l'action territoriale.

 

Comment favoriser collaborations ?

On notera que le premier pas entre collectivité et recherche semble le plus dur. Les professionnels ayant déjà travaillé avec la recherche sont proportionnellement plus en demande de liens réaffirmés que ceux n'ayant pas eu ce type d'expérience (75% contre 33%). L'incitation à ce type de démarche peut donc être envisagée comme moyen de rapprocher ces deux mondes. On relèvera aussi que la position vis-à-vis du monde de la recherche est fortement corrélée à la posture vis-à-vis de l'innovation. Les personnes qui considèrent être tenus d'innover de manière régulière ou continuelle sont 56% à se déclarer en demande de liens plus affirmés contre 23% parmi celles se disant tenus d'innover de manière occasionnelle ou rare. Enfin, les territoires moins denses, souvent plus éloignés des centres universitaires ont moins de collaborations avec le monde de la recherche que ceux de plus forte densité.

 

Quelles sont les prochaines étapes de votre travail ?

Les données feront l'objet d'une analyse plus approfondie dans les prochains mois. Elle sera complétée par une démarche d'entretiens qualitatifs auprès de professionnels de territoires variés. L'idée sera de repérer et d'analyser les différentes configurations de collaborations recherche – territoire et d'apporter une contribution plus théorique à la place de la recherche et des connaissances qu'elle produit dans la chaîne d'ingénierie et d'aide à la décision mobilisée sur les territoires.

[11/02/2014]